Horacio ou la monnaie de sa pièce.

Argentine,  environs de Santa Fe 1893

Le gaucho Horacio Hernandez suivait la trace d’el Indio depuis une petite semaine.

La tête du bandit était mise à prix pour 400 pesos argentins  une fortune pour le chasseur de prime. Surtout, qu’avec le chambardement provoqué par la tentative de coup d’état de Juan Hipólito Yrigoyen* et de Lisandro de la Torre, les forces de police avaient d’autres chats à fouetter que traquer un malfaisant et il avait hâte d’empocher l’argent.

El Indio avait tué, violenté et dévalisé assez de propriétaires terriens et de peones que pour valoir un petit pactole: mort ou vif. Avec une nette préférence pour “mort”. Bien mort.

Quelques jours auparavant, Horacio l’avait raté de peu dans une cantina près de Santa Fe (Argentine). Il était tombé par hasard sur le tueur et l’avait reconnu grâce à l’arc très particulier qu’il trainait toujours avec lui; mais il attendait un moment propice pour lui tirer dans le dos. Autant ne pas prendre de risque. Qui plus est, le gaucho avait fait le coup de feu avec les révolutionnaires et son arme était vide. Il avait besoin de munitions.

Il allait donc approcher le tueur en douce pour le prendre par surprise.

Ils avaient disputé une partie de cartes et le malfrat avait raflé quelques pesos en trichant de manière éhontée. Par moquerie, il avait lancé une pièce de 2 centavos pour que son adversaire malheureux puisse se payer un vino de la casa, avant de quitter les lieux. Devant l’insulte, Horacio avait dégainé son facon, un couteau traditionnel des gauchos.

Mais le brigand avait esquivé l’attaque et s’était enfui sur une vieille carne qui l’attendait à l’extérieur. La pauvre bête n’avait pas résisté longtemps à la cavalcade effrénée et s’était effondrée morte quelques kilomètres plus loin.

Le tueur, désormais à pied, devait se planquer dans les environs, armé uniquement de son arc – il était un redoutable archer – et d’un facon,

Outre son couteau, Horacio avait également une carabine désormais chargée. Il ne se ferait pas surprendre sans arme une seconde fois.

Son cheval avançait lentement, laissant largement au cavalier le temps d’examiner les traces au sol et suivre la piste de sa cible.

Tout à coup, Horacio ressentit une violente douleur au niveau du cœur et bascula hors de sa selle.

Une flèche venait de le toucher au thorax. Il n’avait pas eu le temps de voir le coup arriver et gisait maintenant immobile sur la piste.

El Indio sortit de sa cachette et avança vers le corps inerte. Le cheval d’Horacio n’avait pas bougé, l’arc ne fait aucun bruit et n’avait pas effrayé l’animal. Le bandit souriait, il possédait désormais une nouvelle monture. Mais il lui restait à vérifier que son adversaire était bien mort, ce qui ne faisait aucun doute, la flèche était figée dans le cœur.

Il s’approcha du cadavre pour le dépouiller et, au moment où il commençait à lui fouiller les poches, il fut instantanément égorgé par le chasseur de prime et mourut sur-le-champ.

La flèche avait transpercé la bourse d’Horacio et avait été arrêtée par une pièce de 2 centavos. 2 centavos qui allaient rapporter 400 pesos.

C’est cette pièce “emboutie” par la flèche qui se trouve désormais dans les collections de porte-bonheur du Surnatéum.

Note: Avec le “taba” (campechand de Pedernales) d’Horacio, jeu typique des gauchos. Ce dernier, superstitieux jurait que la pièce lui portait chance au jeu. Il lançait la pièce comme à pile ou face, si elle retombait sur le creux fait par la flèche, il pariait que le taba retomberait de la même façon (culo). Et vice-versa (carne/suete). (voir ci-dessous)

Campechand de Pedernales

*https://en.wikipedia.org/wiki/Argentine_Revolution_of_1893

 

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03/12/22