Orphée, une histoire de fantôme

Depuis l’aube de l’Humanité, ils traversent le Temps.

Dans certaines sociétés, on les appelle poètes, conteurs, chamans, sorciers, troubadours, magiciens.

Tous sont à leur manière, de vrais guerriers, d’authentiques magiciens.

Ils sont craints et même haïs par certains ou respectés par d’autres car ils ont volé une étincelle du feu divin et leur puissance effraye le commun des mortels.

Ils sont l’incarnation de mythes éternels, leur manifestation sur terre. Servitude totalement acceptée qui leur apporte la vraie liberté.

Et après chacun de leur trop bref passage sur cette terre, l’Humanité a progressé vers la Lumière. Même si pour cela, ils ont dû affronter les Ténèbres de l’ignorance.

Ils ont eu pour nom Zoroastre, Dante Alighieri, Leonardo Da Vinci, Wolfram von Eschenbach, Ibn Arabi, Avicennes, Sohrawardi, Attar…

Plus près de nous, on trouve Peter Brooks, Hugo Pratt ou Jean Cocteau.

J’ai un faible pour Jean Cocteau.

Mon Enfance fut baignée par la magie de ” La Belle et la Bête “, ” d’Orphée “, et du ” Testament d’Orphée “, explorations fascinantes de l’autre coté de l’âme.

Jean Cocteau poète, peintre, sculpteur, cinéaste, magicien a laissé un Testament d’une inconcevable richesse ; pour ceux qui savent lire et veulent apprendre à écrire.

Je reste profondément attaché à la poésie de ” la Belle et la Bête “, d’après le conte de Mme Leprince de Beaumont.

Au travers de son film Cocteau, mythographe, a rendu hommage au mythe éternel de Psyché et d’Eros.

Le voyage de la Belle à la rencontre de la Bête met la Belle en présence de cinq objets magiques. Le Cheval, le Miroir, la Clé, le Gant et la Rose.

Le Cheval, animal psychopompe, peut représenter le véhicule qu’emprunte l’âme individuelle dans son voyage de retour vers l’âme cosmique, ou à la recherche d’elle-même. Dans les traditions chamaniques, le Tambour, cheval du chaman, se fabrique souvent avec la peau de cet animal.

Le Miroir dans lequel l’âme peut se contempler, elle-même contemplante, devient aussi la porte qui permet de passer d’un monde à l’autre. Dans les traditions mazdéennes, il s’appelle le Daéna.

La Clé permet d’ouvrir cette porte et d’accéder à tous les trésors de l’imaginaire.

Le Gant pourrait être le symbole du vêtement de Chair que revêt l’âme dans son voyage terrestre, l’illusion d’identité.

Et la Rose ?

Pourquoi ne pas poser la question à Cocteau lui-même ?

Après tout l’essence d’un poète est immortelle.

En me promenant dans une foire aux vieux papiers, je suis tombé sur la lettre de Cocteau.

Un détail attira mon attention : au dos de l’enveloppe figuraient ces quelques mots. « J’ai vécu dans ton appartement, cherches-y mon fantôme. »

On ne refuse pas une telle invitation et j’ai passé un an à traquer la mémoire de Cocteau partout où il se manifestait, depuis les expositions qui fleurissaient cette année-là jusqu’à la chapelle Saint-Pierre située sur le port de Villefranche-sur-Mer. J’ai exploré ses œuvres, cherchant au travers d’elles, des réponses à mes questionnements.

Après un an, j’ai mis un point d’orgue à cette recherche, ayant progressé sur le chemin de la magie. J’intitulais mon texte « Orphée « . Car Jean Cocteau avait réussi l’acte magique suprême, l’incarnation d’un mythe.

Ce soir-là, j’ai en envie de prendre l’air et je suis allé faire un tour au Sablon de Bruxelles, la place des antiquaires. Il pleuvait à verse et les échoppes fermaient leurs portes. Une dame était occupée à tourner la clef dans la serrure, lorsque je vis dans sa vitrine un dessin original de Cocteau.

Orphée et le fantôme du poète me faisaient un clin d’œil.

Depuis, le tableau tient une place d’honneur au Surnatéum.

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27/12/22