09/09/20
Les bézoards (du persan پادزهر, pādzahr) sont des « pierres » (ou plutôt des concrétions) qui se développent dans l’estomac des chèvres Ibex et de quelques autres animaux comme les porcs-épics, lamas, éléphants…
La légende veut que ces chèvres, broutant l’herbe, avalent accidentellement des serpents. Pour se protéger de leur venin, elles ont développé des cailloux qui agissent comme contre-poison.
On trouve des bagues de l’époque romaine portant de petits bézoards, mais c’est au VIIIe siècle de notre ère que ces pierres entrent dans la littérature médicale arabe, en particulier chez Yuhannā Māsawayh, connu également sous le nom de Sérapion (777-857), médecin à la cour du calife Haroun Al-Rachid.
Dans le Kitab al-Jamahir fima’rifat al-jawahir (le Livre des Multiples Connaissances des Pierres Précieuses, écrit par Al-Bīrūnī, Afzal Muḥammad ibn Aḥmad Abū al-Reḥān, érudit persan à la fois mathématicien, philosophe, voyageur, astronome, pharmacologue, historien et astrologue, ce dernier écrit : « … cette pierre devrait être la plus chère de toutes, car si les joyaux mettent en valeur la personne; la pierre bézoard protège le corps et l’âme des influences néfastes. »
Les bézoards furent introduits dans la littérature médicale européenne au XIIe siècle par Avenzoar, médecin de Séville.
Mais c’est entre le XVe et le XVIIIe siècle que cette pierre va connaître un succès énorme comme contre-poison, remède contre toutes les maladies (jaunisse, fièvres malignes, lèpre, rougeole, choléra, mélancolie, on le plaçait sur les bubons de la peste), elle favorisait les accouchements, servait d’amulette etc. Vu son prix extraordinairement élevé, seuls les riches pouvaient s’offrir un bézoard. On l’utilisait également comme émétique.
On trouvait le bézoard en Perse, en Chine et en Arabie et il s’échangeait à prix d’or sur les routes de la Soie.
Bien qu’elle puisse parfois présenter des formes bizarres, la pierre ressemble en général à un œuf de plus ou moins grosse taille et de couleur olivâtre. La demande était telle que le marché se trouva bientôt inondé de faux. A partir du milieu du XVIIe, les jésuites de Goa fabriquaient une pierre similaire, simplement nommée : Pierre de Goa. Le premier à avoir créé ce bézoard artificiel fut le jésuite portugais Gaspar Antonio.
Il y avait quatre manières d’utiliser le bézoard : on pouvait le porter, le toucher, le consommer dans une boisson et/ou le regarder.
Philippe de Thaon décrit ces usages dans un poème au XIIe siècle :
Pur le tocher, pur le porter,
Pur le beivre, pur l’esguarder.
Ces quatre maneres posad
Deus, grant signifiance ad;
E ço dirrai en autre livre,
Se Jhesu Christ me leissa vivre…
On portait le bézoard en bague, collier ou autre bijou et en 1611 Armand du Plessis, futur cardinal de Richelieu, remercie le général des Chartreux de lui avoir prêté un bézoard.
Au XVIIe siècle, un bézoard de la taille d’un œuf de poule valait le prix d’une maison.
En 1557, le médecin Ambroise Paré démontra l’innocuité de ce remède en empoisonnant un condamné à mort. Il agonisa dans des douleurs atroces pendant des heures. Mais ça n’en arrêta pas le commerce ni l’usage.
Les bézoards d’Ibex de notre collection ont été datés entre le XIe et le XIIIe siècle.
Ci-dessous: pot de pharmacie pour bézoards et deux des plus grands bézoards du Surnatéum.
Lecture conseillée :
THE BEZOAR STONE: A PRINCELY ANTIDOTE, THE TÁVORA SEQUEIRA PINTO COLLECTION – OPORTO par Maria Do Sameiro Barroso
Deux coupes à dessin d’ibex, Vallée de l’Indus – civilisation Harappéenne – -2600/-1900 BCE
Etui perse – porte amulette – en argent pour un bézoard (XVIIIe siècle)
09/09/20