La lettre du Vampyre

Victime des ragots concernant son divorce d’Annabelle et ses tendances sexuelles non conventionnelles pour l’époque, haï par les hommes politiques pour ses idées libérales et sa sympathie pour Napoléon, fuyant ses créanciers, Lord Byron décide de quitter l’Angleterre et embarque à Douvres avec son serviteur Robert Rushton, son valet William Fletcher et un jeune médecin, John William Polidori, le 24 avril 1816 ; il ne retournera plus dans son pays.

Il passe par la Belgique en mai et visite le lieu de la défaite de Napoléon; puis il se rend en Suisse où il loue une villa sur les bords du Lac Léman. Ce sera la villa Diodati qu’il occupera du 10 juin au 1er novembre 1816.

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C’est sur les bords du lac qu’il rencontre, en mai 1816, le poète Shelley, accompagné de Mary Godwin (future Mary Shelley) et Claire Clairmont (la belle sœur de Mary Godwin), cette dernière cherchant à rejoindre Byron dont elle est éprise. Les Shelley s’installent dans une petite maison à Montalègre. Les deux poètes, ayant beaucoup en commun, nouent rapidement une relation amicale et passent de longs moments ensemble sur le lac ou en excursion, notamment au château de Chillon qui les marque tous les deux. Les Shelley, qui le surnomment « Albé », viennent souvent lui rendre visite à la Villa Diodati ; Claire Clairmont, amoureuse et enceinte de lui, cherchant des prétextes pour le voir en tête à tête, se charge de recopier certains de ses poèmes, et Percy Shelley aime à discuter religion et politique. « C’était une nouveauté pour Byron que de trouver des personnes dégagées des conventions sociales, intelligentes et cultivées, prêtes à discourir sur n’importe quel sujet ». Lorsque le temps ne leur permet pas de sortir, les nouveaux amis se racontent des histoires de fantômes, dont le recueil traduit de l’allemand, Fantasmagoriana. L’été est d’ailleurs totalement pourri, à cause de  l’éruption du volcan Tambora (1815) sur l’île de Sumbawa, en Indonésie. C’est au cours d’une de ces soirées pluvieuse de juin que Byron propose à chacun d’écrire un roman inspirant la terreur. Lui ne rédige que quelques pages, plus tard reprises et augmentées par Polidori et publiées sous le titre du Vampire, alors que Mary Shelley commence son Frankenstein.

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John Polidori quitte la villa Diodati en septembre 1816, en dispute avec Byron; les Shelley rentrent en Angleterre et Byron part pour les Alpes Bernoises avec ses amis en ce même mois de septembre. Le 5 octobre, il quitte la Villa Diodati en compagnie de son ami Hobhouse, avec le vague projet de retourner en Grèce en passant d’abord par Venise.

En avril 1819, paraît la nouvelle « The Vampyre » attribuée d’abord à Byron. Il s’agit de la quatrième nouvelle anglaise à parler du vampire et sera la première à présenter le monstre sous les traits d’un aristocrate, Lord Ruthven – le portrait caché de lord Byron. Le troisième texte étant le Giaour, de Byron. Le Vampyre est publié dans « The New Monthly Magazine » (avril 1819) et sera republié deux mois plus tard dans le magazine américain “Atheneum”. Immédiatement, Polidori répond que le texte n’est pas de Byron, mais de lui.

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Néanmoins, beaucoup d’éditeurs continuent à penser que Lord Byron en est l’auteur, ce qui est le cas de Galignani, établi à Paris. Byron lui écrit donc une lettre où il affirme ne pas être l’auteur de la nouvelle.

John Polidori se suicide le 24 août 1821 en avalant de l’acide prussique, et Byron meurt le 19 avril 1824, d’épuisement. Le 8 juillet 1822, Percy Bysshe Shelley meurt noyé, seule Mary Godwin (Mary Shelley) survit au groupe des protagonistes de la soirée Ghost Stories de la villa Diodati.

En 1827, Galignani décide de publier les œuvres complètes de Lord Byron. Au debut de sa compilation, il ajoute, attaché, un fac-similé de la lettre que Byron lui a écrite quelques années plus tôt pour démentir le fait qu’il a écrit The Vampyre. Comme la compilation se veut complète, il s’agit pour Galignani de justifier l’absence du texte de John Polidori dans le livre.

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Le plus étonnant est certainement la qualité de duplication de la lettre pour l’époque. A la fin du XVIIIe siècle, un imprimeur hollandais nommé Alois Senefelder invente la lithographie et publie son invention dans un ouvrage intitulé “A Complete Course of Lithography ». Le méthode est améliorée par ses successeurs, mais implique la destruction de l’original pendant le transfert de l’encre vers la plaque lithographique. Paris étant au centre de la lithographie en ce début de XIXe siècle, on peut penser que Galignani fut un des premiers éditeurs à utiliser le principe pour reproduire la lettre de Byron.

Le fac-similé est tellement bien fait que pas mal de gens ont cru détenir la lettre originale. Ce qui est impossible, car elle doit avoir été détruite dans le processus de duplication.

Lettre addressee à A Marticus, Monsieur Galignani, 18 Rue Vivienne, Paris.

In various numbers of your Journal, I have seen mentioned a work entitled the Vampire with the addition of my name as that of the Author. I am not the author, and never heard of the work in question until now Neither of these performances are mine and I perceive that it is neither unjust nor ungracious to request that you will favour me by contradicting the advertisement to which I allude. If the book is clever it would be base to deprive the real writer whoever he may beof his honours;-and dull and stupid I denie responsibility I have besides a personal dislike to Vampires and the little acquaintance I have with them would by no means induce me to divulge their secrets. – You did me a much less injury by your paragraphs about my devotion and abandonment of Society for the sake of religion which appeared in your Messenger during Past Lent; – all of which are not founded on fact – but you see I do not contradict them, because they are merely personal – whereas the others in some degree concern the reader – You will oblige me by complying with my request of contradiction I assure you that I know nothing of the work or works in question and have the honour to be (as the correspondants to Magazines say) your constant reader and say obedt. humble Servt. Byron To the Editor of Galignanis Messenger &c. &c. &c. Venice April 27th 1819

Ci-dessous, un article dans Atheneum (1819) parlant de “A Fragment”, morceau de nouvelle de Byron, écrite à la villa Diodati.

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Le texte de “A Fragment” dans The Works of Lord Byron, Galignani 1827.

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Note:

Plus amusant, c’est l’éruption du volcan Tambora, près de Bali, qui provoque l’été pourri de 1816. C’est pour cette raison de temps pluvieux et neigeux, que Byron et ses amis, jouent aux histoires de fantômes dans la villa Diodati, et créent le Vampyre de Polidori et le Frankenstein de Mary Shelley. Un volcan à l’origine de monstres de la littérature gothique.

 

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(Note: une partie de cet article est reprise de Wikipédia)

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16/02/17