22/03/15
En 1915, les zeppelins commencèrent à être utilisés par les Allemands pour bombarder la France et l’Angleterre. Le 7 juin 1915, les zeppelins LZ37, LZ38 et LZ39 revenaient d’avoir bombardé Calais et retournaient à leur base de Gontrode, près de Gand.
Quand ils furent interceptés par le sous-lieutenant Warneford (Reginald Alexandre John) à bord de son Morane Saulnier type L. Un avion de reconnaissance et de chasse très léger. Ce n’était pas le premier zeppelin que Warnefort tentait de mitrailler, le 17 mai il avait déjà attaqué sans succès le LZ39, qui avait réussi à s’échapper.
Après avoir intercepté le LZ37 à bord de son Morane-Saulnier type L et l’avoir mitraillé sans grand succès, le pilote fit une manœuvre très audacieuse et envoya six bombes incendiaires (bombes de Hale) sur le zeppelin qui prit feu, explosa et s’écrasa sur le béguinage de St-Amandsberg (près d’Ostende). Le souffle de l’explosion du zeppelin renversa l’avion et un fragment de l’armature du dirigeable arrêta son moteur. Le pilote dut atterrir d’urgence derrière les lignes ennemies et réparer dans le noir en 35 minutes* avant de redécoller en criant “Give my regards to the Kaiser!” (Mes amitiés au Kaiser).
*Il retira l’éclat de zeppelin du moteur et le glissa en souvenir dans sa poche avant de repartir et d’atterrir sur la base de Furnes/Veurne .
Deux jours plus tard, Warnefort fut décoré de la Victoria Cross (par télégramme). Rare distinction pour un soldat vivant, car elle est souvent attribuée à titre posthume.
Ce fut le premier zeppelin de l’Histoire à être descendu par un plus lourd que l’air.
Dans la chute, 7 membres d’équipage périrent, à l’exception d’un seul, Steuermann (timonier) Alfred Műhler qui, après une chute de près de 2000 m, passa à travers le toit du monastère et s’écrasa dans le lit d’une nonne… Blessé, il mit plusieurs semaines à se rétablir. Mais plusieurs nonnes furent blessées ou tuées par la chute du zeppelin.
Dix jours après l’exploit, sur la base de Buc (près de Paris), le sous-lieutenant reçut la Légion d’Honneur des mains du Général Joffre. Dans un élan d’enthousiasme, il offrit le fragment de métal à un jeune apprenti pilote belge (le “futur” lieutenant Tollet* ) qui assistait à la cérémonie. Puis, Reginald Warnefort monta dans son avion – qu’il devait amener à Furnes – avec un journaliste américain et, arrivé à 60m d’altitude, l’aile droite de son avion se brisa, tuant les deux passagers.
Une rue de Sint-Armandsberg porte le nom du pilote anglais.
“She flames and bursts with a thunder roar,
And the stunning blast upflung
Smites on the Vengeance, turns him o’er
Till head to earth is hung”
(Henry Chappell)
*lieutenant Edouard Tollet (1892-1972) faisait son apprentissage d’aviateur sur la base militaire d’Etampes, non loin de Buc (France). Plus tard, devenu pilote d’essai chevronné, un des avions qu’il testait perdit une aile, comme pour l’avion de Warnefort. Il s’en sortit sans trop de casse.
Le lieutenant Edouard Tollet après un crash d’avion.
L’agenda de 1915 appartient au caporal Gislain (ou Goslain Cossart) du 10e régiment d’infanterie de Ligne qui se trouve aux environs de Dixmude au moment du passage des zeppelins. Il est possible qu’il ait vu passer le LZ37 de son retour de Calais. Si on trace une ligne de Calais à Gand, elle croisera Dixmude. On se trouve sur la ligne des tranchées.
Son carnet indique qu’il passe du temps à Furnes (Veurne) qui est aussi la base des pilotes d’aéroplanes alliés. Il a certainement pu croiser Warnefort à cet endroit, ce qui explique son intérêt pour le héros.
Note: Traduction du rapport de Warnefort au lieutenant-colonet d’aviation Longmore (en français)
Au Lieutenant-colonel d’aviation Longmore.
Monsieur
J’ai l’honneur de vous informer de ce qui suit : J’ai quitté Furnes à 1 heure du matin le 7 juin sur le Moräne n° 3253 avec l’ordre de partir à la recherche de zeppelins et d’attaquer le hangar à dirigeables de Berchem Ste. Agathe avec six bombes de 20 livres. En arrivant à Dixmude à 1 h 05 du matin. J’ai repéré un zeppelin apparemment au-dessus d’Ostende et je me suis mis à sa poursuite. Je suis arrivé à proximité à quelques kilomètres de Bruges à 1h50 du matin et le dirigeable a ouvert un feu nourri maximal, alors j’ai battu en retraite pour prendre de la hauteur et le dirigeable a tourné et m’a suivi.
À 2 h 15, il a semblé arrêter de tirer et, à 2 h 25 du matin, j‘arrivai derrière, mais bien au-dessus du zeppelin ; à 11 000 pieds, et j’ai éteint mon moteur pour descendre sur lui. Quand j’ai été près de lui, à 7000 pieds, j’ai largué mes bombes et, en lâchant la dernière, il y a eu une explosion qui a soulevé ma machine et l’a retournée. J’ai perdu la maîtrise de l’avion pendant une courte période et a il piqué du nez, mais j’en ai repris le contrôle.
J’ai alors vu que le Zeppelin était au sol en flammes et aussi qu’il y avait des morceaux de quelque chose qui brûlait dans l’air tout le long. Le joint de mon tuyau d’essence et de ma pompe du réservoir arrière était cassé, et vers 2h40 du matin. J’ai été obligé d’atterrir et de réparer ma pompe. J’ai atterri à l’arrière d’une forêt près d’une ferme ; Le district m’étais inconnu à cause du brouillard et du changement continuel de cap.
J’ai fait des préparatifs pour mettre le feu à la machine, mais apparemment je n’ai pas été observé, j’ai donc pu effectuer une réparation, et j’ai continué à 3 h 15 du matin en direction du sud-ouest après avoir eu beaucoup de mal à démarrer mon moteur tout seul. J’ai essayé plusieurs fois de trouver où je me trouvais en descendant à travers les nuages, mais je n’y suis pas parvenu. J’ai donc finalement atterri et j’ai découvert que c’était au cap Gris-Nez, et j’ai pris de l’essence. Lorsque le temps s’est éclairci, j’ai pu continuer et je suis arrivé à l’aérodrome vers 10 h 30. Aussi loin que l’on pouvait voir, la couleur du dirigeable était verte en haut et jaune en dessous et il n’y avait pas de plate-forme de mitrailleuse ou de canon sur le dessus.
J’ai l’honneur d’être, Monsieur
Votre obéissant serviteur,
(signé) R. A. J. Warneford, Sous-lieutenant.
22/03/15