05/07/14
Inv.SRS/se-02143
Sin Eater / Sinne Eater
Le Mangeur de Péchés
Origine : Angleterre (Pays de Galles, Cornouailles) – Belgique
Acquisition dans les années ’80, cet objet est longtemps resté dans le Dpt des Quarantaines
Go maire tú an céad … agus bliain aithri !
Que tu vives cent ans … et une autre année pour faire pénitence. (Proverbe irlandais)
Description :
Coffret en bois contenant un livre creux [qui lui-même renferme un morceau de la Vraie Croix (incluse dans un crucifix reliquaire en bois*)], un livre de prière en anglais, 6 pièces de 1 penny (Angleterre – dates diverses) ; une ancienne bourse en cuir protégeant un minuscule flacon de métal, un carnet usé de la Première Guerre Mondiale…
Un ensemble de gravures en couleur « Les Péchés Capitaux » (Sept Compositions inventées, peintes et gravées par André Lambert MDCCCXVIII, Le Prince éditeur Paris) ainsi qu’une coupe en faïence d’origine anglaise, illustrée par une scène intitulée « Orphans » accompagnent l’ensemble. Pain et sel.
D’après le témoignage verbal de madame Barré (amie de Mr. Jules Delforge).
Quand il entra dans la chambre de veille, le silence qui y régnait se fit encore plus dense. Long et maigre, son visage émacié mangé d’une barbe blanche donnait l’impression d’être celui un barde issu d’un lointain conte celtique.
« C’était un ami du défunt, chuchota la dame en noir assise près de moi, Ils se sont rencontrés pendant la Grande Guerre, dans les tranchées. On l’appelle le Sinne – Eater, le Mangeur de Péchés. Il est d’origine galloise, de Cwmamman je pense, et vient accomplir une promesse faite il y a longtemps.»
L’homme s’approcha du corps, et fit glisser délicatement le drap qui recouvrait son ami. Il retira de sa besace, une boite en bois qui contenait : un livre, un morceau de pain et une pincée de sel contenue dans un flacon, ainsi qu’une ancienne coupe en porcelaine. Il posa le quignon de pain et le sel sur la poitrine du mort, ouvrit le livre creux et retira un petit crucifix de bois.
« Ce crucifix contient un morceau de la Vraie Croix, offert par le défunt* il y a quelques années. Regardez ce qui va se passer… », continua-t-elle.
Le mangeur de péchés posa la croix sur le front du mort et se mit à marmonner quelques prières dans une langue que je n’identifiais pas. Puis, il prit le morceau de pain, le porta à la bouche et le mangea, et fit de même avec le sel. La veuve, au courant de la procédure, lui versa de la bière dans la coupe, qui suivit le même trajet que les aliments précédents. Ensuite, elle alla chercher dans un petit coffret, six pièces de cuivre qu’elle posa dans la paume de l’homme. Sous le coup de l’émotion, une pièce s’échappa et roula à mes pieds. Je la ramassai et eus un choc en l’observant rapidement avant de la rendre au Sinne – Eater. C’était une très vieille monnaie d’un penny, datant probablement du roi Georges III (XVIIIème siècle), sur la face était représenté le profil d’un druide ou d’un barde, et j’aurais juré reconnaître le visage du personnage qui se tenait devant moi. Il me fit un petit signe de la tête avant de quitter la chambre, aussi discrètement qu’il était venu, et dans ses yeux d’un bleu presque translucide, je crus y lire toute la fatigue du monde.
A peine arrivé sur le pas de la porte de rue, il retira de sous sa chemise, une petite bourse en cuir qu’il portait attachée par un cordon autour du cou. Un petit crâne en bois était attaché à la bourse. Il souffla dans une sorte de flacon de métal qui y était caché, se libérant de quelque chose qu’il ne pouvait garder pour lui.
Je n’ai revu cet homme qu’une seule fois, à la fin de l’année 1958, lorsqu’il me retourna sans raison apparente la boîte que je vous offre ici. Il revenait de Rome et semblait très accablé, mais je n’ai jamais pu en savoir plus…
Dossier (Sources historiques et littéraires) :
Dans son œuvre sur le prêcheur Gallois, Christmas Evans (1750-1850), l’auteur Paxton Hood décrit une curieuse coutume superstitieuse à propos des « sin eaters ». “No doubt the proclamation of the Gospel and the elevated faith which its great truths bring in its train, broke the fascination, the charm and power of many of these superstitions, but they lingered even until the last forty or fifty years-indeed the superstition of the sin-eater is said to linger even now in the secluded vale of Cwmamman in Carmarthenshire.”
Le rôle du “mangeur de péchés” était en général dévolu à un vagabond ou un misérable dont la fonction consistait à avaler les fautes d’un défunt. Pour ce faire, il déposait un morceau de pain et un peu de sel (parfois du fromage ou un autre aliment) dans une soucoupe posée sur la poitrine du mort, récitait les paroles du rituel et avalait le tout à l’aide d’une gorgée de vin ou d’ale (bière) ; avant d’être chassé de la maison. Son paiement était de six pence (1 shilling).
La première description de ce rituel se trouve dans les notes de l’antiquaire – biographe anglais John Aubrey (1626-1697) dans un manuscrit « Remains of Gentilism and Judaism ».
Ci-joint une traduction du texte en français moderne :
« Dans le Comté de Hereford existait l’ancienne coutume d’engager un pauvre, qui devait prendre sur lui tous les péchés du défunt. Un d’entre eux, je me souviens, vivait dans un cottage sur Ross-High way. (C’était un pauvre, lamentable et très laid rascal) Le corps était amené à l’extérieur de la maison et posé sur la bière, un morceau de pain était donné au « Sinne-eater » au-dessus du corps ainsi qu’un …bol de bière…, qu’il devait boire, et six pence, en paiement de la charge de tous les péchés du défunt, ce qui l’empêcherait de revenir errer après la mort…. »
Sources : Sin-Eating in the Amman Valley by Dr. Huw Walters, British Lib. Carmarthen Historian, Vol XV (1978)
Dossier (Témoignages et source biblique)
Ces traditions de mangeurs de péchés se retrouvent aussi bien au Pays de Galles qu’en Ecosse et même sur le Vieux Continent, Pays Bas etc.
C’est néanmoins un objet de superstition unique en son genre que le Surnatéum a récupéré pour ses collections. Il entre dans le Département des Objets Apotropaïques.
Nous ne savons pas pourquoi cet ensemble spécifique fut retourné à monsieur Jules Delforge en 1958, après que ce dernier ait auparavant offert un morceau de la Vraie Croix à son propriétaire. Mais il s’agissait probablement d’une promesse de longue date.
Cependant une enquête approfondie nous a permis de tirer un certain nombre de conclusions sur cette superstition.
Le Mangeur de Péchés, version toujours actuelle du Bouc émissaire (Lévitique XVI, 20-22), est également une projection du Christ Rédempteur qui se sacrifie en paiement des péchés de l’humanité. Une coutume veut que six pence soient payés au Sinne – Eater en rapport avec les sept péchés capitaux, qui lui vaudraient la damnation éternelle. Payer sept pence équivaudrait à faire passer le mangeur de péchés pour le Christ, entraînant naturellement le péché mortel d’orgueil. La tradition veut que le mangeur de péchés passe son fardeau au mangeur suivant pour la même somme de six pence. Ces pièces sont chargées des méfaits des siècles précédents et celui qui mourrait sans avoir pu passer son fardeau se verrait errer pour l’éternité dans les limbes. Sa compassion l’empêchant toutefois de plonger en enfer ou d’atteindre le paradis. Le Sinne-Eater conservait toujours au moins six pièces d’un penny pour payer soit son propre ‘sauvetage’, soit transmettre son fardeau à son successeur. En transmettant ces pièces, il se déchargeait des péchés.
Le mangeur de péchés avait également pour habitude de souffler les péchés absorbés dans un flacon de métal qui garderait ceux-ci prisonniers.
De ce flacon émane une corruption insidieuse, mais l’orgueil et la paresse l’empêchent de sortir au grand jour, même si l’envie ne lui manque pas de le faire.
Dossier (la Coupe des Orphelins)
La présence d’une coupe en faïence anglaise du début de l’époque victorienne n’a pas manqué d’éveiller notre curiosité. Sur cette « tasse » est représentée l’image de deux orphelins (Orphans) qui rappelle peut-être l’origine de la tradition du Sin – Eater, le pays de Galles, et les mines de charbons qui faisaient beaucoup de victimes. Mais il nous a semblé plus judicieux d’y voir un jeu de mot entre orphans et Orphée, le héros qui voyage jusqu’aux Enfers pour ramener Eurydice à la lumière du jour. Comme le mangeur de péchés plonge dans les ténèbres de l’individu pour ramener l’âme vers la lumière. Ou peut-être les pécheurs, orphelins de Dieu…
Enquête complémentaire : Texte recomposé d’après divers témoignages – La filiation du Sinne-Eater
Garnant Colliery, Cwmamman, le 16 janvier 1884
Je venais d’avoir 13 ans, le jour précédent, et c’était ma première descente au fond de la mine. Daniel Bach me servait de mentor. Les ascenseurs plongeaient à toute vitesse dans le gouffre au sein des ténèbres. Je prendrais probablement le cinquième « lift » avec mon pote Evan lorsque Daniel me tira par la main et me fit entrer dans la cage. Normalement le nombre de mineurs était limité à huit par descente, mais mon poids léger ne ferait pas grande différence. Nous étions arrivés en bas depuis quelques minutes, lorsqu’un fracas épouvantable se fit entendre, suivi de hurlements. Le cinquième ascenseur, surchargé, venait de s’écraser, faisant dix morts. Mon mentor se précipita vers les corps qu’on dégageait, retira un morceau de pain qu’il brisa sur les poitrines des défunts, y ajouta une pincée de sel et prononça des mots étranges… Ensuite il avala les aliments et sortit une coupe de faïence. On lui versa à boire et il vida la coupe.
Pandy pit, Naval Colliery, le 28 janvier 1884
Le fait d’être un rescapé miraculeux, le premier jour de travail, fait de vous un objet de crainte. J’avais retrouvé ce boulot avec Daniel dans la mine de Naval, le Puits de Pandy, et Daniel m’avait expliqué en quoi consistait sa fonction de mangeur de péchés.
Ce dimanche, nous étions à fond de mine, avec quelques officiels, lorsque Daniel me poussa subitement dans une anfractuosité et me couvrit de son corps en criant « Protège-toi ! ». L’explosion suivit au quart de seconde, tuant quatorze personnes. Daniel m’avait sauvé la vie mais y laissait la sienne. Gravement brûlé, il me fit signe de lui donner sa besace. Il prit six pence et une petite croix qu’il me tendit, puis mourut. C’est comme cela que je devins Sin – Eater à sa place…
Des années plus tard, dans les tranchées de Verdun, je fis la connaissance de mon ami belge. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais il me sauva la vie sur le Font. Très croyant, et voyant mon dévouement pour les mourants, il me promit de m’offrir un fragment d’une relique incroyable qui me permettrait de mieux aider le moment du passage. Il me fit promettre de l’accompagner, s’il mourait à mes côtés. Ce que je fis plus tard, mais c’est une autre histoire.
Inv.SRS/vc-84738
Fragment de la Vraie Croix
Trouvé à Ixelles (Belgique) avec la pièce d’inventaire Inv.SRS/se-02143
Description :
Matériaux divers : verre, cuir, bois, tissu. Croix reliquaire en bois (branche verticale 6 cm, branche horizontale 4 cm) contenant un fragment de la Sainte Croix, protégée par un disque de verre. Le revers de ce reliquaire porte l’inscription : Ste Croix. Le texte ci-joint accompagnait la trouvaille. La relique était destinée à être portée autour du cou dans une sorte de scapulaire.
Document écrit au bic bleu. :
Une photo de la Chapelle du Cénacle à Jérusalem illustre le coin supérieur gauche du document. A droite est imprimé le texte : Le jour de la Pentecôte les apôtres étaient tous réunis dans le même lieu. Et ils furent tous remplis d’Esprit Saint. (Actes 2.1-4)
En dessous, écrit au bic bleu, le témoignage suivant permet de tracer l’origine du fragment.
(Ste Croix)
L’abbaye de Villers-la-Ville était dépositaire d’un morceau de la Vraie Croix ramené vers 1100 par un Prince belge (de Gand ou de Bruges) qui lui en fit cadeau.
En 1789, les Moines durent fuir, et le Prieur emporta la relique.
Il fut recueilli par l’arrière grand père de Mr. Jules Delforge, 72 rue Elise à Ixelles, chausseur de profession.
Ce dernier, profondément croyant, priait pour les gens (maladies, etc.)
A sa mort, le Prieur fit don de la relique à cette famille.
Un ami de feu mon époux en reçu un fragment de la main de Mr. J. Delforge.
En 1958, ledit ami, sans aucun motif valable me remit la relique.
Ixelles, le 13 sept. 1978
Elisabeth Barré
Notes du Conservateur :
Bien que le Surnatéum possède d’autres fragments de la Vraie Croix, dont un sis au centre du crucifix reliquaire appartenant au matériel de Chasseur de vampires (Rhésus 1) et un autre dans un reliquaire en cristal de roche et or datant de 1730; il est peu fréquent de pouvoir tracer l’origine d’un fragment de manière aussi précise.
D’autres fragments de la Sainte Croix se trouvent éparpillés dans le monde, un fragment de cinq pouces de long repose dans un reliquaire à l’abbaye de Gellone dans le diocèse de Lodève, un fragment à Saint Sernin, un triptyque – reliquaire est exposé au MARAM (Musée d’art religieux et d’art mosan à Liège), il y en a un dans le village breton de la Vraie Croix, sans compter le morceau acheté par Saint Louis et gardé en la Sainte Chapelle, etc.
Rappelons que c’est Hélène, la mère de l’empereur Constantin, première femme de Constance, qui trouva « officiellement » les restes de la Vraie Croix à Jérusalem. Elle reçut le titre d’Augusta en 324. Elle mourut en 328 et fut sanctifiée.
05/07/14