Kooloo-Kamba

Inv.SDE/DG/kk-12757a,b,c,d,e

Description sommaire

Ensemble de fétiches Bulus (Boulous) – Cameroun du Sud, ramené par un colon français (agronome) dans les années 1930.

Les cinq pièces représentent :

–          Une statue de gorille géant (H : 34 cm – bois)

–          Un masque de gorille stylisé (h : 26 cm – bois)

–          Une molaire géante d’un hominidé non identifié transformée en fétiche (H : 20 cm- dent, tissu, cauris, cordes) – appelée Molaire de Theutobocus.

–          Une marmite divinatoire avec un couvercle en forme de tête de gorille (bois, terracotta, coquillages, matériaux divers)

–          Un panier contenant une statuette représentant 3 chimpanzés dans des poses typiques (Tissu, terracotta)

Cet ensemble est accompagné de cartes, documents, cartes postales, et de divers accessoires ayant appartenu à l’agronome.

 

Témoignage – la donatrice souhaite garder l’anonymat.

 

La maison se cachait dans une des charmantes petites rues discrètes du centre de Bruxelles, à l’abri des touristes qui se ruaient comme des mouches sur les magasins pakistanais locaux.

Désormais, les véritables propriétaires de la capitale. Nous n’étions pourtant qu’à cinq minutes de la grand Place.

La jeune femme blonde qui nous ouvrit la porte ressemblait étrangement à l’actrice américaine Fay Wray, l’actrice inoubliable de « the Most Dangerous Game » (les Chasses du Comte Zaroff). Il émanait d’elle ce charme désuet des années folles que j’avais déjà remarqué lors de l’exposition « Treize » (*1) au Sablon. Enthousiasmée par le travail photographique d’Anne Laure Jacquart, elle avait proposé de m’offrir une ancienne marmite de divination Bulu qui manquait à la Collection des Oracles.

 

Une fois installés confortablement dans le salon devant un café australien particulièrement corsé, elle alla chercher l’objet en question.(*2) La marmite était un objet exceptionnel et nous l’acceptâmes avec joie. J’en avais entendu parler, mais pour la première fois j’avais la chance d’en tenir une en main. Devant mon enthousiasme, elle me demanda si d’autres objets en provenance des régions Bulus nous intéressaient. Son grand-père maternel, agronome au service de la France, les avaient ramenés au début des années 1960 et ils traînaient toujours dans une vieille malle.

Nous l’accompagnâmes au grenier et, une fois arrivés en haut, elle ouvrit un vieux coffre de voyage contenant un petit trésor d’ancien colonial.

 

« Mon grand père a beaucoup voyagé en Afrique équatoriale, mais ses relations avec la population d’un village Bulu furent de celles qu’engendrent une curiosité, un respect des traditions de l’autre et une amitié profonde. Même si les premiers contacts furent un peu tendus. En déplacement sur une route entre Sangmélima et Ebolawa en passant par la forêt du Dja, il fut arrêté par un groupe de villageois menaçants qui bloquaient la piste avec des pierres. Le « boy » qui l’accompagnait traduisit que ces villageois requéraient la médecine des « blancs » pour soigner le fils du chef du village, la magie des blancs devrait réussir la où celle du sorcier du village avait échoué. Mon grand père répondit qu’il n’était pas docteur mais agronome, mais rien n’y fit. Il n’avait avec lui qu’une simple pharmacie tropicale de voyage et divers produits, comme du chloroforme destiné a un hôpital de Sangmélima. Mais le « boy » insista en précisant qu’un refus risquait de se terminer en massacre… Le voyage très inconfortable le conduisit à un village perdu au pied de ce qui semblait être les « murailles » volcaniques d’une très ancienne caldeira. Il fut poussé sans trop de ménagements dans une case où un jeune homme grelotait en transpirant. La couleur du malade indiquait probablement une bonne crise de malaria et mon grand père lui fit prendre de la quinine. Il fallut quand même une semaine d’angoisse, avant de constater une amélioration de santé, mais le malade se remit complètement et les tensions entre les villageois et le médecin-malgré-lui se dissipèrent vite.

Pour le remercier, le chef lui offrit un fétiche important du village, une sorte de gigantesque molaire entourée de cauris et de cordes. Un fétiche censé protéger le village des pillages des singes dans les champs. Les Bulus vouaient un véritable culte au gorille, au chimpanzé et à une créature hybride dont le nom local m’échappe. Au Gabon, on parle de koolookambas, je crois.

L’objet était vraiment inhabituel et la taille de la dent (elle fait 20 cm de haut) était digne de celle d’un mammouth ou d’un carcharodon géant. Mais elle avait un aspect de molaire humaine ou simiesque. Aucun singe connu n’avait la taille du monstre dont elle semblait provenir. A ces questions, les noirs donnèrent des réponses évasives ; la dent provenait d’un squelette géant trouvé quelque part de l’autre côté des murailles de la caldeira, cette dernière formant une zone parfaitement isolée du monde extérieur dans laquelle un microcosme préhistorique aurait pu être préservé.

Mon grand père revint une ou deux fois dans le village, aidant à améliorer culture et irrigation pendant des périodes de disette et fut accueilli comme un ami.

Il put ainsi acquérir quelques fétiches locaux dont la vente permit aux noirs de survivre un peu mieux durant les mauvaises périodes. Mais il n’obtint jamais d’information précise sur l’origine du fétiche.

Il se mit à correspondre dans le monde entier avec des scientifiques et des paléontologues, mais beaucoup lui rirent au nez ou ne prirent même pas la peine de répondre. Toutefois, Frantz W. un paléontologue new yorkais lui signala qu’en 1935, un de ses collègues hollandais du nom de G.H. von Koenigswald avait trouvé une dent de gorille géant (le gigantopithèque Blackii) dans une pharmacie chinoise – la médecine chinoise soutient que les « dents de dragon », diverses dents fossiles, une fois réduites en poudre et absorbées, possèdent des vertus curatives.

Le fétiche Bulu dépassait cependant largement en taille la molaire chinoise.

Mon grand père, un peu ulcéré par les réactions des scientifiques, finit par garder ses trouvailles pour lui et n’en parla plus. Il ne donna jamais d’indication précise sur l’emplacement du village, pour préserver ce dernier, mais nota de manière cryptée les coordonnées dans son carnet. La réserve naturelle du Dja faisant plus de 5000 km2 dont environ 90% reste encore inexploré, il y a peu de chance de le retrouver par accident.

Il ramena d’autres fétiches dont la marmite divinatoire, le masque, la statue de singe géant qui se trouvent dans la malle.

Prenez ce que bon vous semble, mais restez discret à propos de mon identité et celle de mon grand père.

 

G.A. Van Horn, le conservateur honoraire du dpt de cryptozoologie au Surnatéum, a traité la pièce principale pour éviter sa désintégration lente, et m’a signalé que la dent n’était pas du tout un fossile. Au plus, a-t’elle 150 ans d’âge…

Des échos de la présence d’une créature similaire sur une île au large de Sumatra, a aussi été signalée dans les années 30, par l’équipage du S.S.Venture y ayant fait relâche.

Mais c’est une autre histoire.

 

 

 

 

(*1) Exposition Photographique de Anne-Laure Jacquart (Douai, France) présentant un regard personnel sur l’univers du Surnatéum. Du 13 au 23 septembre 2007 à la galerie Harmakhis au sablon (Bruxelles).

 

 

(*2) Inv.SOD/md-34311 – Marmite de divination Bulu (prononcer Boulou, frontière Cameroun/Gabon – milieu XXème siècle) composé d’une marmite contenant 3 masques de singe, 2 œufs de divination ornés de perles, cauris, 4 pots à offrandes, divers petits objets. Comme dans les divinations utilisant des « œufs », apparemment d’origine végétale, ces derniers sont lancés dans la marmite et leur position définit l’oracle. Le couvercle représente le visage d’un esprit Nji/Ngi (Gorille – représente le symbole positif du feu, au contraire du chimpanzé qui symbolise le mal) ou d’un Kooloo-kamba (le mythique Gorille-chimpanzé), la marmite de divination est utilisée pour la guérison. Terracotta, bois, coquillages, matériaux divers. Les Bulus sont liés aux esprits gorilles de la forêt, pour deviner quels plantes doivent être utilisées, ils blessent superficiellement un animal de la forêt et observent comment l’animal (ou ses congénères) se soigne ; vers quelles plantes ils se dirigent. Après usage, des offrandes sont offertes aux esprits tutélaires de la divination et des braises sont posées sous la marmite.

 

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12/08/13