Konpirasan Kamidana

Petit autel shinto portable appelé également zushi. Il abrite le kami protecteur de la mer  et offre bonne santé, chance à son propriétaire, et repousse aussi les démons. Il est destiné à être utilisé sur les bateaux et dans les lieux où la place est précieuse. L’autel est complet avec ses miroirs sacrés pendus à l’arrière des portes et le panneau rectangulaire où est inscrit « Autel de Konpira ». Le zushi est décoré de logos de Kotohira, la ville d’où il provient. Il date des années 1920 (Période Taisho au Japon)

Un compartiment secret coulisse et protège les charmes et amulettes du Kami principal.

Dans ce cas précis, 7 shichifukujin – les 7 Dieux du Bonheur – complètent l’autel, ainsi qu’un flacon et quelques coupes à saké, un Hinomaru d’encouragement offert au soldat, propriétaire de l’objet, un omikuji, petit instrument divinatoire composé d’un étui en bambou contenant 8 tiges numérotées.

Ce kamidana a une histoire…

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Watashi wa Shigeo desu !

Oh, pardonnez-moi, votre japonais n’est pas au point. Je vais essayer de m’exprimer en français, pardonnez les fautes que vous lirez.

Mon nom est Shigeo, je suis né en 1912 dans une famille de pêcheurs de Marugame, une petite ville de la préfecture de Kagawa, au Japon. Dès le plus jeune âge, je me suis intéressé à deux choses : les mythes et légendes des Kannuchis, les prêtres magiciens shinto de mon pays, et l’art de la prestidigitation.  C’est un kannushi de Kotohira, le grand Tokomatsu qui m’initia aux deux arts,  et il se pourrait qu’un jour, je lui succède.

Mais nous sommes des pêcheurs de père en fils, même si certains ont cru pouvoir échapper à cette tradition. Comme mon oncle Toshiro qui s’est engagé à l’armée et s’est distingué durant le second conflit sino-japonais et l’incident du Pont de Marco Polo en 1937. Il a même reçu une médaille à cette occasion.  Il fut tué plus tard durant la guerre du Pacifique.

Quand mon pays est entré en guerre contre les Américains, je me suis immédiatement engagé dans la marine. Ma famille m’a offert un hinamoru Yosegaki (drapeau d’encouragement) comme la tradition le veut, c’est un drapeau blanc au centre duquel se trouve le symbole de la déesse Amaterasu, le Soleil Rouge. J’ai emporté mon kamidana et les objets qui l’accompagnent, dont mon petit flacon de Sake que j’appelle Kameosa.

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Je fais une petite parenthèse ici, sinon vous ne comprendrez plus rien. Déjà que je n’arrive pas vraiment à traduire les concepts derrière les mots japonais…

Kameosa est un tsukumogami, un instrument âgé de 100 ans ou plus, en général abandonné, qui finit par se transformer en lutin. Il fait partie de la très nombreuse famille des Yokai, les monstres et démons du folklore nippon, comme Ningyo – la sirène, Tengu – le Chien Céleste, le Tanuki aux organes génitaux énormes, le Kappa, le renard Kitsune ou le chat Bakeneko…

Le Kameosa naît d’un objet et mon flacon de saké me sert de partenaire dans mes spectacles de magie. Même en guerre, rien ne me fera l’abandonner, il me protège.

J’adore le taquiner et il ne se gêne pas pour bousculer les objets que je pose sur lui, ou d’attraper la cordelette avec laquelle je le chatouille. La cordelette elle-même s’appelle Nawa No Oni, un homme s’est pendu avec il y a longtemps.

Mes autres tsukumogamis sont: Ugaikyo (le miroir qui montre le vraie nature des choses), Nenju Bodai (le chapelet  dont les perles sont taillées dans les os du crâne d’un Saint homme), Hiogi Obake (l’éventail qui change la taille des choses et déclenche des feux), Igo No Sei (les pièces de Go inséparables)… Mais je parlerai d’eux une autre fois.

Mes spectacles ont du succès auprès de mes camarades. Chaque matin, je salue les kamis en m’inclinant par deux fois, puis j’agite une clochette en porcelaine et les salue une dernière fois. Je leur demande de me protéger, ainsi que ma famille et mes amis.

Ils me parlent au moyen de l’Omikuji, le petit oracle de bambou. Certaines tiges de bambou annoncent des bonnes fortunes, mais d’autres sont moins agréables à recevoir. Je tire aussi l’oracle pour mes amis. Je peux aussi demander quel kami me protègera. Les tiges sont numérotées de 1 à 8, pour chacun des sept shichifukujin et Konpira-san, le kami principal du zushi.

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En avril 1945, je fus envoyé à Okinawa, la plus fameuse bataille contre l’envahisseur américain avait commencé : Le Tetsu no Hame, la Pluie d’Acier. Elle devait durer 82 jours…

C’est là que j’ai rencontré l’enseigne Kiyoshi Ogawa. Âgé de 22 ans et excellent pilote de Zéro, membre de l’escadron Dai-nana Showa-Tai, il venait de s’engager dans la Tokubetsu kōgeki-tai (Tokkôtai) que vous nommez plus simplement les Kamikazes, Il était très fier de sacrifier sa vie pour le Japon et l’Empereur, mais n’avait qu’une seule crainte : être abattu avant de pouvoir couler un bateau ennemi.

Il me demande la permission d’utiliser l’Omikuji et nous tirons chacun une baguette.

Il tire la baguette correspondant à Bishamonten, divinité des guerriers, meilleur auspice est difficile. De mon côté, c’est Jurōjin, divinité de la longévité qui m’échoit. Nous trinquons dans nos coupes de saké puis nous les lançons au sol en criant Kampai et Banzai. Sa coupe se brise en mille morceaux, mais la mienne rebondit et n’est même pas fêlée…  Je l’ai toujours conservée.

Le 11 mai, mon bateau sera bombardé, et je serai un des rares survivants.

Le même jour, Kiyoshi Ogawa passera à travers la défense anti-aérienne américaine et propulsera son Zéro armé d’une bombe de 250kg sur le porte-avion USS Bunker Hill, tuant 400 marins et mettant définitivement le vaisseau hors de combat.

Depuis, lorsque je sers un verre de saké aux kamis, je trinque à sa mémoire et à celle de tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour le Japon.

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Quand des années plus tard, Shigeo devint Kannuchi (prêtre Shinto) et remplaça son oncle, il reçut de ce dernier son eboji (chapeau), son Hiogi (éventail)dans une boite laquée.

 

 

Note :

–          Les Shichifukujin.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sept_Divinit%C3%A9s_du_Bonheur

Ebisu, divinité des pêcheurs, des marchands et de la prospérité, souvent représentée transportant une morue ou un bar.

Daikokuten ou Daikoku, divinité de la richesse, du commerce et des échanges. Ebisu et Daikoku sont souvent appariées et représentées sous forme de masques ou de sculptures sur les murs de petites échoppes.

Bishamonten, divinité des guerriers et dieu protecteur de la loi bouddhique et de la prospérité

Benzaiten ou Benten, divinité du savoir, de l’art et de la beauté, de l’éloquence, de la musique, de la littérature, des arts et des sciences, de la vertu et de la sagesse, de la prospérité et de la longévité.

Fukurokuju, divinité du bonheur, de la richesse et de la longévité, de la virilité et de la sagesse.

Hotei, divinité de l’abondance et de la bonne santé, du contentement et du commerce.

Jurōjin, divinité de la longévité et de la prospérité.

–          Le Zéro

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mitsubishi_A6M

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27/08/16