Les Aiguilles du Wyrd

Parmi les objets découverts dans la tombe de Gullveig se trouvent divers accessoires de couture :

fusaïoles, aiguilles, pinces, ciseaux, tricotin, poids de métier à tisser…

Si ces objets servent de manière évidente au filage, tissage et à la couture chez la femme viking, pour la völva – la “sorcière” – ils peuvent également avoir une fonction magique liée au pouvoir des Nornes. Les fileuses et tisseuses du Destin, le Wyrd.

Bien que les Nornes soient assez nombreuses, d’après l’interprétation de Snorri Sturluson de la Völuspá, les trois plus importantes d’entre elles sont appelées Urd, Verdandi et Skuld et résident près du Puits d’Urd, le puits du Destin. Elles en tirent l’eau et en arrosent l’arbre Yggdrasil afin que ses branches ne pourrissent jamais. Les Nornes sont décrites comme trois puissantes jötunns (Géantes) dont l’arrivée a mis fin à l’âge d’or des dieux.

Urd file la laine, le lin ou les fils à l’aide de son fuseau, sa quenouille et  sa fusaïole. Elle représente Ce-Qui-Fut.

Verdandi tisse Ce-Qui-Est à l’aide de ses aiguilles.

Skuld joue avec la toile de Ce-Qui-Adviendra sur son métier à tisser. Les contrepoids de métier et la pincette lui appartiennent.

Évidemment, seule une völva expérimentée peut les utiliser “magiquement”.

Curieusement, les aiguilles de Verdandi et la pince de Skuld ont des formes qui rappellent les runes.

On retrouve Is/Isa – la rune de glace qui fige tout,

Wunjo, la rune de joie et de famille liée à la déesse Frigg, l’épouse d’Odin, déesse du filage et de la magie.

Thurisaz représentant les géants de la glace et donc le Chaos, c’est aussi la rune du pouvoir qui active les autres runes.

Uruz, la rune de force capable d’augmenter la puissance des autres instruments magiques.

La petite pince, rune Raido, permet de déplacer les fils du Destin sur la toile de Skuld. La pince à fils peut aussi représenter la rune Othal, celle de l’héritage du savoir des ses prédécesseurs. Dans ce cas, elle est par essence la rune des Nornes et symbolise la Toile du Wyrd. Celui ou celle qui  voyage dans les arcanes de cette Toile peut connaître le Destin de toutes choses. Celle qui manipule les fils a le don de  changer le futur.

« On raconte dans les sagas que, poursuivie par un mercenaire qui voulait l’assassiner, Heidr, la jeune völva, se trouva au bord d’un lac gelé qu’elle devait traverser. Pour se défendre, elle avait comme seule arme sa trousse d’aiguilles. Ce qui ne faisait pas vraiment le poids en face de son adversaire lourdement armé… Avant de poser le pied sur la glace et pour être certaine de sa solidité, elle y grava (et chanta – Galdr) la rune Is avec l’aiguille de bronze correspondante, puis amplifia son pouvoir avec Uruz. Ensuite, elle s’élança. Au milieu du lac, elle se retourna et  aperçut le tueur qui la talonnait. Quand elle eut atteint l’autre rive, elle se retourna et plia une extrémité de l’aiguille Is pour former la rune Lagu, puis la replia en deux , créant ainsi Kaunan/kenaz, une rune de feu. Aussitôt, la glace fondit, se fissura et l’ennemi se noya au milieu du lac. »

L’aiguille Isa, pliée en Lagu puis Kenaz devient ainsi une “bindrune”, une rune liée. (La glace se transforme en eau grâce au feu). Le dernier pli est caractéristique des objets dangereux qu’on “tue” avant de les déposer dans la tombe, offrant ainsi le “megin” de l’objet aux dieux.

Isa, Lagu, Kenaz

 

Is, Wunjo, Thurisaz, Uruz, Raido

Othal, la pince

 

Une autre aiguille est pliée de manière à être “tuée” rituellement. Il pourrait s’agir d’une Svefnthorn, aiguille du sommeil. Une victime piquée par ce sortilège s’endort, parfois pour ne plus se réveiller… C’est ainsi que Wotan/Odin endort Brunehilde qui ne pourra être réveillée que lorsque Sigurd/Sigfried franchira la barrière de feu qui l’isole. Ce n’est pas sans évoquer le conte de la Belle au Bois Dormant, endormie pour 100 ans dans son château entouré de ronces.

 

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04/08/20