Hommage à Ricky Jay

L’artiste suffoquait et sentait ses dernières forces l’abandonner.

La Faucheuse n’allait pas tarder à frapper à sa porte. Mais il ne regrettait rien : son passage dans ce monde avait illuminé ce dernier. Il se rappelait ses luttes épiques contre des pastèques et des canards en celluloïd, armé seulement de son jeu aux cartes aiguisées comme des rasoirs ; ses exploits dignes des plus grands athlètes, dont le lancer d’une de ses 52 assistantes au-dessus du Magic Castle d’Hollywood en présence des plus hautes autorités de la magie.

Il avait sorti de l’ombre les numéros les plus obscurs de la planète depuis les femmes incombustibles jusqu’aux cochons savants, produit des livres invisibles, honoré ses maîtres, conservé le patrimoine de son art magique. Certains racontaient qu’il avait même combattu James Bond sur un bateau invisible… Qu’il était capable de produire un fragment d’iceberg  par 50° à l’ombre, un exploit digne de Max Malini.

Sa légende survivrait, il n’y avait aucun doute à ça.

Sa respiration devenait plus lente, plus pénible.

Du coin de l’œil, il aperçut une tache jaune floue. Hallucination ou réalité?

C’était ce maudit palmipède qui le narguait du haut d’un meuble. Sa Némésis savourait d’avance sa fin prochaine.

Ricky rassembla ses dernières forces et tendit le bras vers les cartes qui traînaient à son chevet. Il en prit péniblement une en main droite, dans la tenue désormais célèbre du Jay Grip*  et replia le bras.

Puis, avec un geste sec et précis, il lança la carte sur le canard, et l’atteignit en plein cœur.

L’anatidé de celluloïd eut un couac de surprise et expira instantanément.

L’artiste rendit l’âme quelques secondes plus tard, un sourire aux lèvres. Il avait aperçu Matthew Buchinger qui l’attendait de l’autre côté.

rickyjay

 

*(rien à voir avec l’Erdnase Grip)

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26/11/18