Breloque et Bézoard.

L’amulette de Lucy.

Curieuse petite breloque (ou charme porte-bonheur) composée d’un bracelet de cuir et laiton et de trois éléments distincts : un bézoard ancien, une mano figa (figue) et une médaille de saint Benoît en argent.

L’objet est daté du début du XXe siècle. Le bézoard peut être desserti du bracelet et plongé dans une boisson suspecte pour contrer tout poison. Un bézoard ancien est un objet très rare et très coûteux.

La figue est un geste traditionnel utilisé par le « Pater familias » dans la Rome antique lors des fêtes des lémuriales (Lemuralia) qui avaient lieu en mai. Il sert à chasser les fantômes malfaisants lors du rituel apotropaïque de ces fêtes.

La médaille de saint Benoit protège traditionnellement le porteur contre l’influence (possession ou obsession) des démons.

L’amulette écarte donc aussi bien l’influence pernicieuse des démons que des spectres malfaisants, et contre les empoisonnements (volontaires ou accidentels). Elle est un superbe témoignage des superstitions populaires toujours en vigueur au début du vingtième siècle.

Note. L’origine du bracelet.

Nous appellerons la jeune femme « Lucy ». Née dans une famille de la petite noblesse londonienne, elle est fortunée, blonde, très jolie, délurée et appréciée de son entourage.

Nous sommes dans le début des années 1920, elle approche de la vingtaine. Mais depuis quelque temps, sa santé pose problème. Les médecins lui ont trouvé une forme d’anémie qui l’affaiblit et, malgré les remèdes et les fortifiants à l’iode, rien ne la remet sur pied. Qui plus est, elle fait de fréquents cauchemars.

Comme la médecine ne peut apparemment rien pour elle, un de ses amis propose de faire intervenir une de ses connaissance, un professeur un peu excentrique, maître d’anglais et de lettres classiques à la Brockley County School, dans le sud-est de Londres. Malgré son apparence et ses habitudes un peu étranges, il est apparemment un enseignant apprécié et très bien considéré.

Son nom est Montague Summers , il n’est pas médecin, a dépassé légèrement la quarantaine, et est une autorité dans le domaine de l’occulte. Il a déjà publié quelques articles sur le sujet (dans The Occult Review et the Spiritualist periodical Light) et se fait appeler Révérend (Reverend Alphonsus Joseph-Mary Augustus Montague Summers). Il est également un érudit dans le domaine de la littérature gothique, en particulier des écrivaines Jane Austen et Ann Radcliffe.

Avec la permission de la famille, il examine et interroge Lucy, et remarque une marque bleue derrière l’oreille gauche de la demoiselle. Il grimace alors une moue un peu inquiète. L’ecchymose lui rappelle un document publié en 1732 et mentionné par don Augustin Calmet dans son célèbre Traité des esprits

Il insiste sur le fait qu’elle suive avec régularité le traitement des médecins, mais conseille également une consommation de viande rouge. Il détache un petit bracelet porte-montre de gousset que porte Lucy au poignet, retire le bijou et lui fabrique  à partir de ce support, un talisman composé d’un bézoard, d’une mano Figa et d’une médaille de saint Benoît de Nurcie.

Il conseille également de placer une petite branche d’aubépine au-dessus des portes et fenêtres de la chambre.

Elle ne devra jamais se séparer de l’amulette, sous aucun prétexte. Le bézoard peut être détaché de son support pour être plongé dans une boisson.

Lucy guérira finalement de son mal.

Médecine ou magie? Finalement peu importe, seul compte le résultat.

Quelques décennies plus tard, en faisant des recherches sur Les écrits de Montague Summers, je tombe sur ce curieux bracelet chez un collectionneur privé. Il se trouve désormais dans les collections du Surnatéum.

Nous avons déjà publié un texte sur le bézoard.

Bézoards

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08/09/25