Hokkani Boro 2, la Sorcière des Renards

C’est par la tête que pourrit le poisson.(Erasme)

Blanche ne se remet pas de son agression, elle n’ose plus sortir seule et pleure la nuit dans son lit.

Chevalier Mic-Mac, de son vrai nom Louis Restiaux, a esquivé la justice divine et Madeleine sent que sa vengeance n’est pas allée assez loin. Mais comme elle écoute les potins de la rue et de ses consultants, elle commence à se faire une idée de qui contrôle les Marolles en sous-main.

Le vrai chef de bande se nomme Alexandre Courtois et n’est autre que le commissaire-adjoint de première classe du quartier.

Alexandre Courtois

Un type brutal, avide, alcoolique notoire, protecteur des malfrats, que tout le monde hait. Il extorque les commerçants, tabasse les prostituées et arrondit ses fins de mois en dépouillant qui il peut. Il fait la pluie et le beau temps dans sa petite circonscription.

On l’accuse ouvertement d’avoir dévalisé les épiciers Routiaux, d’avoir volé les bijoux de la comtesse de Flandre, Marie de Hohenzollern-Sigmaringen, aidé de son complice Chevalier Mic-Mac. Ses supérieurs le couvrent systématiquement.

Mais en 1893, sa chance tourne.

Pitje Snot, un marollien populaire, refusant de devenir son complice, le dénonce.

Mal lui en prend !

Le commissaire le fait emprisonner quelque temps, après l’avoir battu comme plâtre.

Certain de la protection de ses chefs et de son impunité, il finit par commettre la faute irréparable.

Il est accusé de « Faux en écriture authentique et public », après avoir falsifié les rapports concernant trois malfrats qu’il protège.

Pour sa défense, il plaide l’alcoolisme et la folie passagère, mais la faute est grave et il est forcé de prendre sa retraite.

Son salaire passe de 3500 francs par an à 1 000 francs.

Il va devoir trouver de l’argent ailleurs.

Une autre jeune femme vient d’être molestée par Courtois et veut se venger. Elle  consulte donc la sorcière “des Renards“.

C’est à ce moment que Madeleine décide d’agir.

Cette dernière ne lui demande aucun argent pour composer son sortilège, mais elle doit se procurer une photo de l’ex-commissaire et quelques ingrédients.

Une dagyde en plomb, métal des divinités infernales. (Celle-ci a été copieusement envoûtée à coups d’épingles)

Un petit miroir pour renvoyer le mal vers celui qui le commet.

Un carte de tarot, le 5 de coupe, censée porter malheur quand elle se trouve dans les parages de la cible.

Trois clous de cercueil pour invoquer les esprits vengeurs, un dessin représentant la vanité de l’ivrogne fêtant ses méfaits dans le champagne. Il semblerait que c’est Courtois lui-même qui l’ait griffonné.

C’est un élément essentiel pour le maléfice. La jeune fille qui veut la peau de son ennemi l’avait récupéré.

Enfin Madeleine place dans la boîte une souris crevée et en décomposition, pour que la descente de sa victime aux enfers soit longue et douloureuse.

A ces objets, on ajoute le nom de la victime qui crie vengeance, dans ce cas une petite gourmette.

Tous ces objets sont enfermés dans une boîte taillée dans un livre ancien.

Elle récite ensuite les incantations et psaumes nécessaires à l’activation du rituel (probablement les psaumes 94 et 109) et scelle le tout dans une cache de mur. Personne ne découvrira la boîte et ne pourra donc s’opposer à ce maléfice, ni l’annuler.

Peu de temps après, la population bruxelloise découvre le meurtre brutal de la baronne veuve Herry, une octogénaire assommée puis étranglée à son domicile d’Ixelles. Son coffre-fort a été arraché du mur et emporté.

Mais les langues se délient, en particulier celle de Pitje Snot. L’ex-commissaire Courtois, son complice le chevalier Mic-Mac (Louis Restiaux) et un autre sbire sont arrêtés. Devant les preuves indiscutables du meurtre, Courtois et Restiaux sont condamnés à mort. Le troisième complice est innocenté et libéré.

Heureusement pour eux, la peine de mort est abolie en Belgique depuis 1863 et leur condamnation est transformée en prison à perpétuité à Louvain.

Courtois hurle, se débat comme un forcené et clame son innocence, rien n’y fait. Il faudra six policiers pour l’amener de la salle du tribunal au fourgon cellulaire.

L’ex-commissaire va rejoindre les malfrats qu’il a lui-même envoyés à la prison centrale de Louvain après les avoir tabassés.

La vengeance est un plat qui se mange froid.

Epilogue

Prison Centrale de Louvain

début janvier 1904

Une visiteuse demande à rendre visite au détenu Alexandre Courtois.

Ce dernier est en mauvaise santé mais accepte de recevoir la dame.

Il ne la connaît pas et n’a aucune idée de ce qu’elle lui veut. Elle a des yeux froids et durs, porte des vêtements noirs et un léger voile, comme pour un deuil, et ne dit rien. Elle enlève son manteau et s’assied en face du condamné, seule une table les sépare. Elle ne sort toujours pas de son mutisme.

Elle tire d’un petit sac à main, un curieux jeu de cartes et une photo. Le prisonnier se souvient vaguement du portrait, une jeune femme qu’il a maltraitée il y a longtemps, mais ne se rappelle plus son nom.

Madeleine sort le jeu de son étui (un Petit Jeu de Lenormand) et indique, toujours silencieusement, au prisonnier de tirer une carte. Courtois, subjugué, s’exécute sans hésiter et tire la carte n°8, le cercueil. Il se rend compte qu’il est condamné définitivement et s’évanouit. Une crise cardiaque vient de le foudroyer.

Les gardiens accourent, Madeleine récupère la photo et son jeu divinatoire, puis quitte la prison.

La sorcière de la rue des Renards vient de terminer son travail.

Mai 2025.

Un ami qui travaille à la place du jeu de Balle – m’interpelle.

Il connaît mon intérêt pour les choses curieuses et me présente une trouvaille récente. Lors d’un déblaiement d’un grenier de la rue de Renards, littéralement à 30 mètres du Vieux Marché , on a trouvé une curieuse boîte. Elle contient deux photos, une souris momifiée, un carte de tarot, un petit talisman, un miroir de poche, trois clous et un vieux dessin représentant un ivrogne.

Un nom, Alexandre Courtois est écrit au dos de la photo.

Ce truc pue le maléfice populaire à plein nez.

Je vais devoir examiner ça de plus près, car ça éveille un souvenir lointain.

Ma grand-mère me racontait qu’une de nos ancêtres disait la bonne aventure au tournant du XIX et XXe siècle dans la rue des Renards. D’où son surnom de “Sorcière des Renards“.

La seule trace qui restait d’elle dans notre famille est un vieil exemplaire d’un jeu Brepols – Petit jeu de Mlle Lenormand datant de 1901, qui traîne toujours chez moi.

Mais ce n’est pas tout! Il y a quelques années de ça, j’avais trouvé sur le même marché une autre boîte-livre contenant un jeu de cartes divinatoire dessiné à la main et quelques accessoires de fumeur. Dont une très jolie pipe (ou fume-cigarette) en écume de mer représentant un renard.

Une coïncidence ?

Hokkani boro

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15/06/25