22/04/15
Il n’y a jamais eu de décès dans la maison où j’habite, celle qui est devenue le Surnatéum.
Mais elle a ses fantômes…
C’est mon père qui l’a fait construire en 1961, quand j’avais 4 ans. C’est une maison agréable, située dans un beau quartier d’une des belles communes de Bruxelles. Ma chambre, ainsi que celles de ma sœur et de mes parents se trouvaient au deuxième étage. Mon frère Olivier dormait au rez-de -chaussée. A côté du garage. Sans aucune raison apparente, Olivier se mit à avoir des cauchemars. Un personnage mystérieux entrait et sortait des murs, il l’appelait ‘le Sandeman’, car il ressemblait au personnage icône des portos Sandeman. Rien à voir avec le marchand de sable. La terreur de mon frère était telle qu’à l’époque, on nous changea de chambre. Personnellement, j’ai toujours senti une présence féminine, plutôt agréable, une sorte d’ange protecteur.
Au début des années 80, j’ai quitté le nid familial et je me suis installé ailleurs.
Quand je suis revenu occuper la maison, en 2011, après le décès de mes parents, j’ai évidemment pris contact avec les locataires précédents, les Mxxx. Ceux-ci, des gens charmants d’origine anglo-néerlandaise qui déménageaient pour l’Indonésie, me demandèrent si je voulais garder les meubles, ils me les offraient gracieusement. Mais le style « rustique » n’est pas mon truc, et je refusai poliment en expliquant que j’allais installer un cabinet de curiosité consacré à la magie dans la maison.
Mr Mxxx ne s’en vexa pas et se laissa aller à quelques confidences. Il me dit qu’il avait toujours senti une présence agréable dans la maison et qu’il regrettait de devoir partir.
Toutefois, un jour, il eut peur. Deux ans auparavant, il avait surpris un de ses enfants, le petit Beertje, occupé à discuter avec une amie invisible. Tous les gosses ont ce genre de compagnie quand ils jouent. Il s’amusait avec un vieux jeu d’alphabet en bois pour faire des mots – avec lequel le papa lui-même avait joué quand il était petit, – et quelque chose d’étrange s’était produit. Le gamin de 6 ans avait écrit un mot en espagnol, langue qu’il ne connaissait pas du tout, avec les cubes. Il savait d’ailleurs à peine écrire.
M. Mxxx ne m’a pas donné beaucoup de détails mais il se rappelait le mot huesuda, le squelettique. Un mot, écrit par accident, ça peut arriver, et ça l’avait fait sourire. Mais peu après, toujours en discutant avec son amie invisible, le gosse avait composé le mot Santisima. Et là, une coïncidence n’était plus possible. Comme ça le mettait vraiment mal à l’aise, le papa avait confisqué et caché le jeu. Puis avait un peu oublié l’histoire.
Après leur départ, j’ai retrouvé ce jeu, dissimulé au-dessus d’une armoire métallique du garage. Je pense que Mr Mxxx l’y a laissé volontairement.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Dès le jour où nous nous sommes installés ici, mon ex-femme a ressenti un malaise, une présence invisible lui donnait des angoisses, à tel point qu’elle a quitté la maison avec armes, chats et bagages, et a fini par divorcer. Ma nouvelle épouse, par contre, a toujours ressenti une sorte de protection.
Last but not least, un médium qui visitait le Surnatéum, nous a dit ressentir une présence féminine positive. Sans savoir définir de quoi il s’agissait.
Il est clair qu’une entité habite les lieux, bienfaisante pour certains, terrifiante pour d’autres.
Mais qui est-elle ?
La Boîte de Jeux
Le coffre ici présent contient le jeu de cubes et quelques autres objets qui nous seront utiles, comme des anciennes pièces de monnaie anglaises obsolètes.
La séance.
Ce soir, nous sommes trois. Le minimum requis pour contacter les esprits.
Chers amis, bonsoir.
Avant d’aller plus loin, j’aimerais établir un protocole de test. Une tradition dans l’étude ‘scientifique’ des séances spirites.
Voici le jeu qui nous servira d’instrument de communication avec l’au-delà.
Vous remarquerez que le couvercle de la boîte ressemble à une sorte de planche ouija, avec un alphabet en majuscules et un autre en minuscules. Sous le couvercle, se trouve un jeu de cubes en bois sur les faces desquelles sont imprimés des lettres, des chiffres ou des symboles. Comme vous pouvez le constater, les lettres sont mélangées. Refermons le couvercle.
Ce soir, je prendrai la place de médium, Gilles et Marie noteront ce qui se passera
Le test avec la planche ouija permet de vérifier mon état de sensibilité. Un mot est choisi librement par Marie dans un bouquin et je dois le trouver en utilisant mon don de clairvoyance. J’utilise une simple pièce de monnaie en cuivre comme planchette et la fait glisser sur l’alphabet. Pour éviter un contact physique avec le Penny en cuivre, je couvre ce dernier d’un petit verre renversé.
Le mot choisi est télévision. Marie le confirme.
La salle est ensuite plongée dans une semi-pénombre, seule une lampe à pétrole inactinique – utilisée anciennement par les photographes – éclaire la pièce d’une lumière rouge. Nous pouvons cependant nous distinguer clairement.
Je fais tinter la cloche par trois fois et, dans la tradition des soirées spirites, pose la question traditionnelle : « Esprit, es-tu là ? ».
Au début, seul le silence règne. Il serait malvenu d’insister, donc nous patientons.
Le tintement d’une clochette invisible nous répond. Il est suivi par des grattements, des « rappings » comme on dit en anglais.
« Bonsoir. Mon prénom est Christian, voici Marie et Gilles. Qui es-tu ? »
La pièce ne bouge pas sur la planche, mais il semble que j’entends un grattement dans la boîte !
Tout le monde prête l’oreille, effectivement quelque chose bouge dans la boîte. Elle est ouverte, et sous le couvercle, les blocs, auparavant mélangés, forment deux mots : SANTA MUERTE.
Un frisson parcourt les membres de l’assemblée, et un silence inquiet s’installe. La boite est à nouveau fermée.
« Il y a plusieurs formes de Santa Muerte, les blanches (pureté), les rouges (amour), les vertes (justice), les dorées (fortune), les noires (sorcellerie, protection magique et vengeance). Cette dernière est la plus inquiétante. Quelle est ta couleur ? »
Les blocs forment cette fois, le mot NEGRA (Noire). Gilles et Marie n’ont plus trop envie de communiquer… Je leur demande s’ils ont une question à poser, car c’est la Mort elle-même qui va leur répondre. Mais le silence se prolonge. Lourd.
Pour essayer de détendre l’atmosphère, je demande à la Mort, où elle se trouve pour l’instant . STYX est la réponse. Au moins, elle a de la répartie…
Plus personne ne parle, et aucun des participants ne veut poser de nouvelles questions.
J’ai toutefois une idée. Je porte autour du cou les alliances de feu mes parents. Je les retire de la chaîne et les place dans le verre qui couvre la pièce. « Pourrais-tu me dire si mes parents sont à nouveau ensemble de l’Autre Côté ? »
Mais Santa Muerte se tait, et la communication semble rompue. Rien n’y fait, aucune réponse n’apparaît. Même la clochette invisible ne tintinnabule plus.
J’insiste un peu, mais le Penny est projeté à travers la pièce.
Nous terminons donc la séance, remercions l’Esprit et rallumons les lampes. Le malaise persiste.
Mais quand je récupère les alliances dans le verre, elles sont désormais enclavées…
22/04/15