Kaidan

Depuis ses 7 ans, le jeune Shigeo suit des cours de magie avec  le grand Takomatsu.  Il l’a vu montrer des merveilles dans un matsuri, un festival, et depuis il est obsédé par l’idée de devenir magicien ; tejinashi.

Takomatsu est aussi un prêtre shinto qui s’occupe d’un sanctuaire dédié à Abe No Seimei, le plus célèbre des Onmyôjis (un exorciste).

Shigeo entre à son service dans le petit temple, ce sera une façon de payer les leçons, mais le magicien a pressenti quelque chose dans la personnalité du jeune garçon. Il va le tester…

A peine arrivé au temple, le maître fait entrer son jeune disciple dans un espace secret, une sorte de débarras interdit au public, contenant une grande diversité d’objets. On dirait un bric-à-brac géant. Toutefois, ce que le jeune homme remarque immédiatement, c’est l’absence de poussière qu’on pourrait s’attendre à y trouver. Tout est parfaitement propre. Certaines choses  ont l’air précieuses, d’autres moins. Takomatsu lui demande de choisir un objet et de “l’adopter”. Shigeo hésite un peu, examine les trésors, manipule un instant un miroir doré, joue avec un vieux gobelet à saké, tripote quelques statuettes, puis finit par se diriger vers un vieux balai qui traîne abandonné dans un coin.

Pendant deux ans, il balaiera la cour du temple, mais traitera le balai comme un ami, pas comme un simple objet. Il entretient très soigneusement son instrument de travail, le nettoie, change les brindilles abîmées. Curieusement, l’effort de balayer pendant des heures ne fatigue pas le jeune apprenti. Comme si le balai travaillait à sa place…

Avec les branches brisées, il se fabrique progressivement un hossu, un éventail pour chasser les mouches sans les blesser.

En automne, Shigeo trouve souvent la cour parfaitement débarrassée des feuilles mortes. Quelqu’un l’aiderait-il en secret?

Dans les moments de liberté, le maître lui enseigne l’art secret des illusionnistes, mais révèle également certaines techniques d’onmyodô (exorcisme). Le jeune homme se familiarise avec le monde des yokais, les choses étranges, peuplé de fantômes, démons, mythes et légendes fantastiques, objets hantés, sorciers et autres magiciens

Les années passent et Shigeo est devenu un adolescent. Un beau jour, Takomatsu appelle son élève. Il explique au jeune Shigeo que le balai qu’il a choisi s’appelle Hahakigami. C’est un tsukumogami, un objet vieux de 100 ans (ou plus) qui a pris conscience qu’il existe et est devenu « vivant ». Contrairement à la plupart de ses condisciples, le garçon a été attiré par la magie. Il a aussi parfaitement entretenu l’objet qui lui a rendu la pareille. Le hossu est aussi devenu petit à petit, le symbole de sa maîtrise.

Il l’initie également au jeu du Hyakumonogatari Kaidankai, le rassemblement de cent contes fantastiques, un jeu de « ghost stories » où chaque participant raconte une histoire de fantôme puis va éteindre une chandelle dans une autre pièce, et jette un coup d’œil à un miroir posé sur la table, qui sait! Les fantômes vont se manifester… Il y a 100 bougies (ou andon). Mais le jeu s’arrête en général à la 99e histoire, si on éteint la centième chandelle, les fantômes apparaissent..

Il est le seul à oser aller jusqu’au bout.

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Le maître, sentant que le moment est arrivé de lancer son élève sur les routes,  lui offre alors une petite bourse (sagemono) contenant un morceau de corde, un talisman et trois perles d’ivoire. Il lui explique que les perles lui serviront à acheter des objets hantés abandonnés ou maltraités. La cordelette le protégera contre les yokais et permettra de les capturer. Le talisman le fera accepter dans des lieux interdits aux gens « normaux » et le mettra à l’abri des lutins et des ogres lors du Hyakki yakō, la parade nocturne des cent démons. (Un moment dans la nuit, en été, où les démons sortent dans les rues et tuent les gens. Sauf si ces derniers portent des sutras ou des amulettes.) Le talisman lui indiquera surtout la présence d’objets hantés, de fantômes ou de démons.

Il deviendra chasseur (et éventuellement exorciste) de Tsukumogamis. Et son voyage commence… Comme prestidigitateur itinérant, il animera les festivals (Matsuri) tout au long de l’année en voyageant de ville en ville. Bonne couverture car on ne sait jamais où se trouve la frontière entre l’illusionniste et le magicien.

 

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Nawa No Oni

Il examine sa bourse et découvre les étranges pouvoirs du morceau de corde. Nawa No Oni est un ancien morceau d’une corde qui a servi à un suicide dans un bar. Le défunt, ivre-mort ne parvenait plus à quitter son flacon de saké, et a fini par se pendre dans une crise de Delirium tremens.  Etrangement, la corde refuse d’être nouée ou de servir à étrangler un être vivant. C’est aussi un tsukumogami ; il va devoir l’apprivoiser.

 

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Kameosa

Il se rend donc au village de Yoro, dans la préfecture de Gifu, dans le lequel le suicide a eu lieu. Ce village est réputé pour avoir possédé une rivière donnant un saké qui rajeunit celui qui en boit. L’impératrice Gensho elle-même en aurait consommé.

Les habitants lui racontent qu’il y a eu plusieurs morts étranges, par suicide, terreur ou noyade. Toutes ces morts ont un point commun : le saké. Un prêtre shinto local prononce même à voix basse les mots Kaemosa et Tokkuri-korogashi. On parle d’un flacon de saké qui ne se vide jamais et qui saoule à mort ses victimes.

Shigeo n’hésite pas, passe la corde autour de son cou et entre dans le bar désormais désert. Il règne un silence absolu, des toiles d’araignées montrent clairement que plus personne n’est entré depuis longtemps.

Il entend un léger bruit, et remarque qu’une petite bouteille blanche a roulé dans sa direction. Pourtant personne ne semble l’avoir lancée… Il ramasse l’objet, le renifle et malgré qu’il soit vide,  une délicieuse odeur de saké en émane. Shigeo porte le flacon à la bouche, le goût de la boisson est extraordinaire. Mais Nawa No Oni devient pesante et tire le jeune homme de sa fascination pour le flacon. Elle saute littéralement de son cou pour attaquer le flacon. Et un combat épique commence entre les deux tsukumogamis. La corde essaye en vain d’étrangler la bouteille, et cette dernière tente de mordre son adversaire. Shigeo reprend ses sens, porte un coup au kameosa et l’étourdit. Il le capture et le « dressera ». Le Nenju-bodai / Nichiren-juzu (le chapelet), un autre de ses objets magiques, lui enlèvera son envie de nuire.

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Igo No Sei

Ces go-ishi (ou Yunzi,  pièces de jeu de Go) furent utilisées régulièrement par les maîtres de Go de l’école Honinbo au Japon. Cette école était considérée comme la meilleure de toutes, et les pièces avaient été manipulées pendant plus de 100 ans par des maîtres comme Honinbo Shuei. Ce n’est pas peu dire qu’elles en tiraient une grande fierté. Quand l’école ferma ses portes en 1940, les pièces furent abandonnées et elles en conçurent une certaine amertume. Il n’est pas étonnant qu’elles se transforment en tsukumogami. Pas toutes les pièces, uniquement deux : une blanche taillée dans un coquillage (hamaguri) et une noire en ardoise (nachiguro). On les appelle Igo No Sei, elles peuvent perturber un joueur de go s’il ne les positionne pas correctement en cours de partie. Elles peuvent changer de place, encore faut-il pouvoir trouver les deux bonnes pièces parmi les 32580 combinaisons. Un bon joueur, connaissant le pouvoir des pièces, peut lancer la pièce hantée sur le goban dans une situation indécise, la pièce ira se placer au meilleur endroit possible. Mais comme elles adorent se cacher parmi leurs semblables, soit vous possédez une grande patience, soit une excellente chance soit… un Hiogi Obake. Ce tsukumogami est un antique éventail en bois de cyprès (hinoki) que le kannuchi utilise comme une baguette magique. Lorsque Shigeo prononce les mots secrets, les pièces hantées, blanche et noire, changent de place dans les bols. 

 

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Zenfusho

Shigeo s’arrête un instant pour se reposer. Une petite maison de thé lui offre un abri provisoire et le patron, voyant qu’il avait à faire à un kannuchi, l’invite à se restaurer gracieusement. Le village de Tatebayashi se trouve à proximité du Temple de Morinji, dans la préfecture de Gunma. Ce temple est célèbre pour le conte intitulé Bunbuku Chagama, dans lequel un pauvre homme sauve un tanuki d’un piège. Le tanuki est un chien viverin (ou chien raton laveur) qui dans les mythologies japonaises, possède un pouvoir de transformation. Pour remercier son sauveur, le tanuki se change en bouilloire à thé, et propose que l’homme le mette en vente pour gagner de l’argent. Un moine l’achète et découvre un peu tard qu’il s’agit d’un lutin. S’ensuivent diverses péripéties, ventes et reventes, jusqu’à ce qu’un rétameur l’achète et l’utilise comme un phénomène de foire. Les gens paieront pour voir le tanuki se transformer. Fortune faite, le rétameur qui sent que son ami tanuki commence à se faire vieux. Par compassion, il retourne la théière au temple – avec la moitié de ses gains –  où, dit-on, elle se trouve toujours. Chaque jour, un prêtre lui apporte un petit gâteau de riz, le Tanuki en raffole.

Shigeo se rend donc au sanctuaire et montre le talisman qui lui donne accès aux espaces les plus secrets. Le prêtre local lui confie qu’il ne croit pas à ces contes de bonne femme, mais qu’ils font gagner pas mal d’argent au petit temple. Avec un sourire, Shigeo indique une petite théière abandonnée dans un coin et demande s’il peut acquérir l’objet pour une perle d’ivoire. Il repart avec son acquisition, dorlote gentiment l’objet et place un petit gâteau de riz dans la théière. Aussitôt, une fontaine de pièces sort de l’objet. En même temps, le magicien sent aussi que sa perle d’ivoire est revenue dans sa bourse. Les prêtres shinto avides feraient mieux de regarder leurs contes de plus près. (La théière n’est pas vraiment un tanuki, mais un tsukumogami appelé Zenfusho. Parfois il peut devenir violent, mais correctement traité, c’est le plus amical des yokais.)

 

 

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Le Gofu-Bukuro (pochette à amulettes) de Nurarihyon

Ce soir-là toute la ville d’Okayama semble s’être donné rendez-vous dans la maison de thé. Il est vrai que pendant le Hyakki yakō (la Procession des 100 démons) personne n’ose mettre les pieds dehors ; les conséquences peuvent être terribles. Le magicien dégustait tranquillement son thé lorsque qu’un vieil homme lui demande s’il peut lui tenir compagnie. Shigeo pense qu’il s’agit du maître des lieux. Il semble fort âgé avec une tête curieuse au crâne allongé,  il porte un kimono  d’une superbe qualité et se comporte comme s’il était chez lui. Il fume une petite pipe. Toutefois, personne ne lui porte attention, et Shigeo lui offre de partager son thé et sa collation. Le vieil homme parait être aux anges et la conversation porte bientôt sur les démons de la Parade Nocturne. Il s’appelle Nurarihyon et la conversation est naturellement chaleureuse et prodigieusement intéressante. Shigeo reçoit la leçon de sa vie, tant son interlocuteur fait montre d’une énorme culture des yokais. Vers la fin de la nuit, le vieil homme prend congé mais l’onmyogi lui fait remarquer qu’il ferait mieux d’attendre que l’aube soit levée avant de quitter la maison de thé : la Parade n’était pas encore terminée. « Oh ! dit Nurarihyon, n’ayez pas de soucis pour moi, rien ne peut vraiment m’arriver cette nuit. J’ai énormément apprécié votre compagnie et j’aimerais vous offrir un petit souvenir. » Il pose devant le magicien une très ancienne bourse à laquelle est fixé un netsuké représentant Hannya, le démon de la jalousie. « Ne vous fiez pas à son aspect délabré. Cette pochette peut faire apparaître un talisman  sur demande. Si vous croisez un yokai agressif, l’ofuda qu’il contiendra pourra paralyser l’adversaire. Quel que soit le talisman requis et quelle que soit la distance, il disparaîtra de l’endroit où il se trouve – fût-il dans un musée – et apparaîtra dans l’étui. Sur ce, au plaisir de vous revoir un jour.»

Et il disparaît dans la nuit…

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–          Le jeu de Nurarihyon : Dans une variante de l’histoire de Nurarihyon, ce dernier propose un jeu de 4 andon (chandelles). Au Japon, le chiffre 4 est considéré comme maléfique car il se prononce SHI qui signifie aussi la Mort. Il y a deux joueurs et 4 chandelles sont allumées. Le premier lance un dé d’ivoire. Quel que soit le chiffre, le second joueur lui fait faire un quart de tour dans n’importe quelle direction et ajoute ce point au précédent. Ensuite c’est au tour du premier joueur de faire pivoter le dé d’un quart de tour et le point est ajouté… Le premier des joueurs qui atteint le chiffre 31 (3+1=4) a gagné, et l’autre doit éteindre une chandelle et se regarder dans un miroir. Celui qui souffle la dernière chandelle a perdu, il devra payer un gage, sous peine d’être emporté par un Oni (démon). Nurarihyon perd et offre la pochette aux amulettes à Shigeo. Puis, un sourire aux lèvres, il quitte la pièce et affronte les démons de la Parade des Cent démons.

 

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Ohaguro Bettari

Il fait nuit noire dans cette ruelle de Kyoto, ce qui est normal à cette heure tardive, lorsque l’homme percute de plein fouet Shigeo. Ushimitsu, est le troisième quart de l’heure du bœuf, autrement dit : vers 2h du matin, un moment idéal pour chasser les yurei, les fantômes.

Le magicien se relève et voit le visage de celui qui l’a renversé. Il est blême de terreur. Shigeo comprend, entre deux claquements de dents, qu’au coin de la rue voisine, une créature de la nuit erre, plutôt un fantôme ou un oni (démon) qu’un tsukumogami. Il prend dans son sac, le kameosa – le flacon de saké – maintenant apprivoisé.

Vide ! Ni démon cornu, ni fantôme poilu dans la ruelle. Seule la silhouette d’une jeune femme vêtue de blanc et  dissimulée sous un porche attire son attention. Il s’approche d’elle lentement en lui demandant si tout va bien. Elle ne répond pas, et il aperçoit maintenant ses longs cheveux noirs.

Puis elle tourne la tête vers lui. Elle n’a pas de visage, seule une large bouche aux dents noires, mâchonnant une petite pipe d’écume, lui sourit. Une Ohaguro Bettari, un yurei effrayant dont on sait peu de choses, sauf qu’une fois qu’elle a décidé de vous coller aux basques, vous ne vous en débarrasserez pas facilement.

Il ne prend aucun risque et lui lance l’amulette. Aussitôt le fantôme disparait, ne laissant au sol, qu’une dent noire, une bille colorée (Hoshi-No-Tama) et un fume-cigarette surmonté d’un renard.

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Fuku Masu

La boîte porte-bonheur. Traditionnellement utilisée comme mesure de riz ou de saké, on s’en sert également comme gobelet pour boire le saké. Le 3 février, pour la fête de Setsubun au Japon, on remplit cette boite de haricots de soya grillés que les enfants lancent sur les onis (démons) en criant “Oni Wa Soto, Fuku Wa Uchi” (Dehors les démons ! Dedans le bonheur ! ). Rituel apotropaïque lié à la renaissance du printemps, ce rite rappelle fortement le rite romain du jeter de haricots noirs durant les fêtes des Lémuriales. Les Haricots noirs sont lancés par le Pater Familias, par-dessus l’épaule, pour nourrir les lémures et les larves, esprits malfaisants des morts. Cette boîte particulière contient un kilo de riz. Associés à un gobelet à saké antique, ces deux tsukumogamis ont la propriété de transformer le riz en saké; ça nous change de l’eau en vin!

 

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Shogoro et Waniguchi-Sakana

Le Shogo est un gong de temple bouddhiste ou shinto. Quand il atteint ses 100 ans, il devient éventuellement un tsukumogami appelé Shogoro. Parfois il se promène librement et réveille les gens, mais il peut aussi réveiller les autres tsukumogamis. Parfois, il devient une nuisance, à d’autres moments, il peut rendre silencieuses des cloches de moindre importance.

Le second Gong est un Wani qui, devenant tsukumogami, se transforme en Waniguchi (ou Waniguchi-Sakana), sorte de dragon-crocodile ayant le wani comme tête. Il mord tout se qui passe à sa portée, mais une fois maîtrisé, il peut s’avérer utile.

Shigeo utile les deux gongs pour pour paralyser et réanimer les yokais.

 

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Chokuboron

Un tsukumogami né d’une coupe à saké. Apparaît parfois près de Kameosa ou sous la forme d’un personnage dont la tête est couverte d’un casque-coupe. Un poème traitant” du vieux dragon piégé dans les fruits du jour…” est dessiné sur la coupe. Le double signe du bonheur se trouve sous la coupe. Deux amoureux partageant un saké dans cette coupe ne devraient jamais se quitter…

Un petit objet placé sous le Chokuboron peut parfois disparaître. Quand on sert une coupe de saké à un yokai ou un yurei, les dents de ce dernier peuvent tomber. Ce qui permet d’avoir un contrôle sur le démon ou le fantôme.

 

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Ittan-Momen

Un des plus dangereux tsukumogami formé à partir d’un ancien rouleau de tissu. Connu pour voler dans le ciel, il plonge sur sa proie ,l’étrangle et l’étouffe en même temps. La plupart des Ittan-Momen proviennent de l’île de Kagoshima (Île de Kyushu, berceau du peuple japonais) .

 

 

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Shikigami et Katashiro

Les Shikigami sont des assistants invisibles de l’Onmyogi. Equivalents aux golems de la tradition juive ou aux oushebtis égyptiens, ils peuvent prendre la forme d’un yokai de petite taille. Ceux-ci sont fabriqués à partir d’un très ancien papier japonais et portent le Pentagramme, symbole du plus célèbre magicien japonais: Abe No Seimei. Les shikigamis peuvent rendre divers services et défendent le magicien contre les agressions de quelque nature qu’elles soient. Les figurines de papier sont appelées Katashiro et peuvent être également utilisées en magie noire dans un rituel intitulé: Ushi No Koku Mairi (ou Ushi No Toki Mairi).

 

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La Boule de Cristal  – Suishō-kyū

 Le grand maître Abe No Seimei, le plus grand onmyoji qui a existé, était en partie humain et en partie Yokai. Sa mère, Kuzunoha, était une kitsune, une femme renard. Un beau jour, l’enfant découvrit la vraie nature de sa maman ce qui la força à quitter sa famille. En partant, elle fit deux cadeaux à son fils : une boîte qui pouvait contenir tout le savoir que Seimei pouvait y placer, et une petite boule en cristal de roche qui lui permettrait de comprendre le langage des animaux.

Shigeo me montra la petite boule transparente que contenait son sagemono.

Pour qu’elle fonctionne, il faut l’avaler. Tant qu’elle sera en vous, vous comprendrez clairement le langage des êtres qui vous entourent. J’ai essayé une seule fois. Non seulement j’ai failli m’étouffer, mais pendant une journée je n’ai pas arrêté d’entendre mon chat me demander des croquettes et mon chien vouloir sortir faire sa promenade. Plus jamais… Et je ne vous décris pas les douleurs quand elle est ressortie plus tard…

 

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Suzuhiko-hime 

Un tsukumogami composé d’une série de petites clochettes qui endorment les gens quand on les agite. Certaines créent des “absences” ou des trous de mémoire.

Nous sommes le 9 août. Cette foutue guerre dure depuis plus de 4 ans et rien ne semble décider l’empereur à capituler…

Shigeo attend tranquillement le « bateau » qui va lui faire rejoindre Nagasaki en dégustant un bol de soupe aux champignons parfumés, des enokis et des shiitake. Son attention se porte sur un gros homme affalé contre un mur, qui a l’air désespéré. D’après ses tatouages et un bout du petit doigt amputé, l’homme est un joueur itinérant, un bakuto qui, apparemment vient de perdre tout son argent. Il est en pleine confusion…

Shigeo se méfie de ces yakuzas toujours prêts à toutes les arnaques pour quelques pièces, mais il écoute ses plaintes.

« Je jouais au Cho-Han (jeu de pari avec deux dés) dans la maison de jeu du coin et gagnais, lorsque je me suis retrouvé dehors sans un sou. Et je ne comprends pas comment on a pu me dépouiller. Personne ne m’a approché, et j‘ai trop l’habitude des voleurs que pour me laisser faire… »

« La seule chose dont je me souviens, c’est un petit tintement léger. »

Shigeo a un sourire léger et demande où se trouve la maison de jeu. Elle est à deux pas, et il s’y rend.

Quinze minutes plus tard, il revient, l’air parfaitement satisfait. Il montre au bakuto une petite série de clochettes attachées à un simple fil.

« Vous vous êtes fait endormir par Suzuhiko Hime : la princesse Clochette. C’est un tsukumogami qui a la propriété d’endormir les gens durant un court moment, et c’est grâce à elle que les yakuzas qui possèdent la maison de jeu, vous ont dépouillé. Voyant que vous gagniez trop, ils ont repris leur argent.

Mais je possède une amulette qui agit en contre-sort, et j’ai réussi à récupérer votre argent, mais aussi le tsukumogami.

Toutefois, la somme que vous aviez joué correspond exactement à mes honoraires d’Onmyoji, et je dois donc garder l’argent. Par ailleurs, mon bateau vient d’accoster.

Bonne journée »              OMIKUJI1

Omikuji

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La liste non exhaustive des tsukumogamis de Shigeo, Ces objets seront à la base du spectacle avec lequel il tournera un temps.

Omikuji : Parole des Kamis, permet de discuter avec les kamis

Kaemosa : Flacon de Saké, peut s’avérer maléfique Tokkuri-korogashi en se présentant à un ivrogne qui finira par se noyer ou se pendre, ivre-mort.

Ugaikyo : Miroir – reflète la Vraie Face des gens et des choses, particulièrement efficace contre les kitsune et les Tanuki. On dit que c’est en apercevant le reflet de sa mère dans un tel miroir, qu’Abe No Seimei découvrit qu’elle était un kitsune.

Menreiki Tengu : Masque de Tengu pour le théâtre Noh. Effrayant, peut prendre possession de son porteur.

Zenfusho: Chagama Théière, attaque la nuit avec ses griffes. Origine : temple de Morin-Ji.

Nenju-bodai: Chapelet de prière, les perles sont taillées dans les crânes de Saints Hommes. Protège son porteur de tous les maléfices des autres yokai.

Gamma Sennin Netsuke : Kami principal, celui qui le possède contrôle les Tsukumogami.

Hiogi Obake (Tengu no hiogi) : Éventail, chasse les démons, modifie la taille des objets. Attise le feu. Change le riz en saké. Déclenche des vents et tempêtes…

Igo-No-Sei : 2 pièces de GO possédées par un fantôme, sont inséparables et peuvent changer de place.

Nawa-no-oni : Morceau de corde avec laquelle quelqu’un s’est pendu dans un bar.. Refuse d’être nouée.

Chokoburon : Coupe de saké qui lie les couples amoureux lorsqu’ils boivent dedans. Un petit objet caché sous la coupe renversée devient invisible.

Ohaguro Bettari : Dent noire, jeune femme se promenant la nuit, quand on l’approche, elle n’a pas de visage, seulement un large sourire noir. Ohaguro Bettari est un yurei, un fantôme.

Hoshi-no-Tama : une balle – parfois en forme d’oignon – qui permet à son possesseur de contrôler les Kitsune. Un kitsune manipule ces balles, ce qui permet de les détecter sous leur forme humaine.

Kitsune-Dama : Boule de feu accompagnant le Kitsune. Parfois appelée Kitsunebi.

Kuda-Gitsune : (Renard Pipe) Kitsune de petite taille qui peut être caché dans une pipe et sert de familier. Celui qui possède un Guda-Kitsune a le don de voir dans le passé et le futur.

Suzuhiko Hime: clochettes provenant d’un Kagura Suzu, instrument musical qui accompagne les Mikos lors de leur danse pour divertir les kamis.

 

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 Udaijin et Sadaijin

 

Une paire de poupées Hina représentant le ministre de gauche (Sadaijin) et le ministre de droite (Udaijin). Ces poupées occupent le quatrième rang sur l’autel de l’Hina Matsuri, le festival des poupées, fête des filles, qui a lieu le 3 mars au Japon. Ces deux ministres sont armés d’arcs, et ont la fonction de chasser les démons. Les poupées de l’Hina Matsuri doivent obligatoirement être remballées au soir du 3 mars, sinon la jeune fille ne pourra pas se marier durant l’année. Ces poupées ayant dépassé l’âge vénérable de 100 ans sont candidates au titre de Tsukumogami. Je m’attends à recevoir une petite flèche dans les fesses.

 

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Bakezori

Je n’ai rencontré Shigeo face à face qu’une seule fois dans ma vie. Je le connaissais de réputation depuis la parution du numéro spécial de Mad Magic à son propos, mais le voir en vrai me ravissait. C’était au congrès IBM (International Brotherhood of Magicians) de Nashville en 1987. J’y travaillais, avant de continuer mon périple vers le Magic Castle à Hollywood.

Nous avons immédiatement sympathisé puis nous nous sommes montré des tours originaux. C’est là que pour la première fois de ma vie, j’ai entendu parler de yokai et de tsukumogami – les objets qui prennent vie à l’âge de 100 ans.

Il ne pouvait me montrer qu’une seule chose, les Bakezori – une sandale errante avec deux bras et deux jambes mais un seul œil. Il passe pour effrayer les ménages pendant la nuit, courir et chanter continuellement : Kararin, kororin, kankororin, managu mittsu ni ha ninmai! (Deux yeux, trois yeux et deux dents !) Mais, ajouta-t-il, une fois « apprivoisées », ces sandales peuvent s’avérer très utiles pour le magicien. D’abord, elles reposent les pieds de leur propriétaire, raison pour laquelle Shigeo les emportait dans tous ses déplacements, mais elles permettent divers tours amusants, pourvu que le thème de l’effet soit le déplacement.

Il plaça les deux zoris(sandales) sur la table à côté de 6 pièces. Trois pièces de cuivre trouées d’un cercle au centre, et trois pièces d’argent trouées d’une croix au centre. Il glissa les pièces d’argent sous la sandale de droite, et les pièces de cuivre sous celle de gauche. Puis il prononça les mots «Kararin, kororin, kankororin » et les trous se déplacèrent progressivement des pièces de cuivre vers les pièces d’argent, et vice-versa…

Il m’a fallu 30 ans pour trouver une paire de Bakezori, elles n’ont pas ma pointure et ne peuvent donc reposer mes jambes fatiguées, mais le tour qu’elles permettent vaut le détour.

 

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15/09/16